Le 9 octobre 2009, par Geneviève Koubi,
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Du projet de loi portant engagement national pour l’environnement adopté par le Sénat, le 8 octobre 2009, ressort une disposition nouvelle selon laquelle « le chapitre unique du titre Ier du livre V de la deuxième partie du code de l’éducation est complété par un article L. 511-5 ainsi rédigé : “Art. L. 511-5. – Dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, l’utilisation par un élève d’un téléphone portable est interdite. »
L’interdiction de l’usage des téléphones portables dans les écoles maternelles, primaires et collèges coulait de source. Mais, plutôt que l’entendre dans le cadre général des bonnes conduites dans ces établissements, dont les normes sont disposées dans les règlements intérieurs ou exposées au titre de la discipline intérieure, le Sénat a cherché à l’inscrire sur un tout autre terrain, celui des "mesures de précaution pour la santé des enfants".
Un tel usage n’a d’ailleurs jamais été explicitement autorisé. Une distinction, évidente, était déjà faite entre la classe et la cour, entre le cours et la classe. Mais, pour faire montre d’un souci spécifique, plutôt qu’interdire l’implantation des antennes-relais sur le toit des écoles ou à proximité des établissements scolaires, le marché ayant ses exigences, le Sénat a choisi, dans la lignée des discussions menées auparavant, ajouter un interdit comportemental, et visant encore une fois un accessoire, dans le Code de l’éducation.
Si le premier des interdits scolaires expressément signifié à l’adresse des élèves concernait le port de signes révélant une appartenance religieuse, il rendait compte, peut-être maladroitement, d’une problématique républicaine spécifique ; cet interdit relève ainsi de l’article L. 141-5-1 al. 1 : « Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit », article inséré dans une partie du Code de l’éducation qui met en exergue les "principes". Pour ce qui concerne les mesures prises pour une limitation de la consommation des unités des téléphones portables, au moins le Sénat a-t-il été plus avisé d’inscrire l’interdiction au titre des droits et des obligations des élèves, titre dans lequel s’insèrerait l’article L. 511-5 s’il devait être définitivement adopté.
Toutefois, devant l’incitation générale au développement des territoires numériques, à une valorisation des modalités d’enseignement assisté par les ordinateurs et à une composition permanente des mises en réseaux des ressources pédagogiques, comment ne pas relever l’illogique de la rhétorique ?
Car soulever cette question d’une interdiction de l’utilisation du téléphone portable dans les établissements scolaires semble incongru dans la mesure où est plus que sollicité de ces établissements une mise en application de la mobilité géographique des personnels, un investissement accru dans la remise en cause des enseignements en présentiel et un déploiement conséquent des modes éducatifs à distance, comme par exemple le recours à des cartables numériques. Dès lors, l’interdiction du téléphone portable pour des raisons de précaution n’invite-t-elle pas à se préoccuper également des ondes électromagnétiques émises par les ordinateurs du fait des connexions — ce, pour des ordinateurs fixes ou portables — quel qu’en soit le canal ?
Toutes les mesures qui, dans ce projet de loi relèvent des précautions et des protections liées à l’utilisation des téléphones portables, ne devraient-elles pas aussi souligner le risque des connections permanentes à outrance ? Ces mesures ne sont pas aussi affinées que certains commentaires voudraient le faire penser. Certes, il est envisagé d’introduire dans le Code du travail un article L. 4453-1 selon lequel : « Les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés aux champs électromagnétiques sont déterminées par décret en Conseil d’État pris en application de l’article L. 4111-6 du présent code. //Ce décret est établi conformément aux principes de prévention fixés aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du présent code. » Mais cette disposition n’est qu’une faible répétition de l’article L. 4111-6 (lequel est sans substance normative) et les renvois aux obligations des employeurs par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 demeurent de simples paravents. Inscrire un article avec du contenu au titre du livre IV du Code du travail, Livre qui concerne la prévention de certains risques d’exposition, aurait eu plus de panache !
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Quoiqu’il en soit, en une association d’idées, une réflexion ne devrait-elle pas ainsi être menée sur les méfaits potentiels des usages d’internet dans les relations entre administrations et administrés ? Peut-être, dans les variantes des accélérations téléprocédurales, serait-ce un des objets d’étude à venir du défenseur des droits…