Le 18 mai 2011, par Geneviève Koubi,
L’application “admission post-bac” est un téléservice de l’administration ; c’est un dispositif prétendument destiné à simplifier les démarches des futurs étudiants pour une “préinscription” dans les formations post-bac suivant un système de classement des vœux émis ; c’est un passage obligé pour une inscription administrative en première année de l’enseignement supérieur auprès de l’établissement relevant d’un de leurs choix. Elle constitue une des applications de l’article L. 612-3 al. 2 du Code de l’éducation : « Tout candidat est libre de s’inscrire dans l’établissement de son choix, sous réserve d’avoir, au préalable, sollicité une préinscription lui permettant de bénéficier du dispositif d’information et d’orientation dudit établissement, qui doit être établi en concertation avec les lycées. » [1]
L’arrêté du 8 avril 2011 relatif à la procédure de préinscription en première année d’une formation postbaccalauréat, publié au Journal officiel du 12 mai 2011, concerne plus particulièrement les procédures d’inscription à l’Institut national polytechnique de Toulouse. Il renvoie à la procédure de préinscription qui s’analyse en un « traitement automatisé de données à caractère personnel, site http://www.admission-postbac.fr, dont l’objet est le recueil et le traitement des vœux des candidats à une admission en première année d’une formation postbaccalauréat ». Le procédé est désormais courant.
Cependant, à ce titre, pour cet Institut, la liste des données à caractère personnel recueillies est assez conséquente. D’ailleurs, à plusieurs reprises, la CNIL a adressé un courrier de demande de compléments au ministère [2] : « Un courrier de demande de compléments a été adressé au ministère le 3 novembre 2009. Une relance pour non-réponse à cette demande a été adressée au ministère le 4 janvier 2010, à laquelle il a été répondu le 24 mars 2010. Une nouvelle demande de compléments a été adressée au ministère le 12 mai 2010, suivie d’une relance le 3 septembre 2010. Le ministère a apporté les derniers éléments de réponse les 1er décembre 2010 et 11 février 2011. »
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Font l’objet du traitement, outre les désormais classiques données à caractère personnel relatives à l’identité du candidat (dont la mention de la commune, du département et du pays de naissance et la nationalité [3]), la liste de ces données comprend l’établissement d’origine ; le libellé de la classe d’origine et l’effectif de la classe ; les codes du module élémentaire de formation, de la spécialité, des langues et des options suivies ; les notes et appréciations des professeurs et du chef d’établissement des classes de première et de terminale suivies par le candidat ; les appréciations des professeurs de terminale et du chef d’établissement sur l’aptitude du candidat à suivre une formation postbaccalauréat ; elle relève aussi le revenu imposable du (des) responsable(s) légal(aux), nombre de frères et sœurs à la charge de la famille pour les candidats demandant une inscription en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) ainsi que la catégorie socioprofessionnelle dont il/s relève/nt.
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A propos des données relevées, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, dans sa délibération n° 2011-069 du 3 mars 2011 [4] présente quelques remarques.
« Concernant la collecte des notes obtenues par les candidats et les appréciations portées par leurs professeurs », elle souligne que la sélection des candidats opérée pour l’accès à certains établissements d’enseignement supérieur, instituts et grandes écoles dispose d’un fondement légal ; elle relève alors que « pour permettre cette sélection, l’application “admission post-bac” prévoit la transmission informatique des notes et appréciations des professeurs et du chef d’établissement sur l’aptitude du candidat à suivre certaines formations postbaccalauréat. La commission note que ces informations permettent également aux candidats de bénéficier d’une démarche de conseil et d’accompagnement dans le choix d’une filière d’enseignement dans les universités. Le ministère a précisé sur ce point que les notes obtenues par les candidats et les appréciations portées par leurs professeurs et chef d’établissement, figurant sur les bulletins trimestriels de notes et la fiche pédagogique, constituent les critères de sélection reconnus pour les candidats qui postulent à une inscription dans l’une des formations ou l’un des établissements visés à l’article L. 612-3 du Code de l’éducation. » Or, si le relevé des notes obtenues par les candidats durant leur scolarité paraît justifié, la transmission des “appréciations” des enseignants l’est moins. Les appréciations portées sur les livrets ne sont pas nécessairement établies en rapport avec les résultats scolaires, certaines d’entre elles peuvent être affectées d’une subjectivité patente qui pourrait nuire à l’élève, notamment pour un accès à de telles filières nécessitant une sélection ; en effet, des mentions relatives à des comportements ou à des tenues perçus par un enseignant (par exemple, l’impertinence ou l’allure débraillée) peuvent y être insérées. La malléabilité et la docilité risquent bien ainsi d’être un des critères clefs en ces domaines... ce qui n’est pas toujours un gage de réussite [5].
C’est pour ce qui concerne « le recueil de la situation économique et financière de la famille » que la question du respect des lois demeure posée. Certes, dans sa délibération du 3 mars 2011, la CNIL retient les précisions qui lui ont été transmises par le ministère « indiquant que le recueil des données relatives aux revenus de la famille et à la composition familiale des candidats permet de mesurer la probabilité d’obtention d’une bourse de l’enseignement supérieur pour l’année suivante » ; mais alors que l’arrêté ne le signale nullement, elle avait relevé « que la communication de ces données ne revêt un caractère obligatoire que pour les seuls candidats qui formulent une demande d’admission en internat ». Si la CNIL estime que « les candidats devront être spécifiquement informés sur ce point », cette disposition ne se trouvera que sur le site... après que le candidat eut rempli sa fiche. Pourtant, sur une distinction entre les plages à remplir obligatoirement et les indications facultatives, la CNIL semble particulièrement vigilante : « La commission estime que les candidats devront notamment être informés du renseignement obligatoire ou facultatif des données en fonction de leur situation, de la durée de conservation de leurs données dans l’application, ainsi que des destinataires de ces données. »
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Par ailleurs, l’article 3 de l’arrêté du 8 avril 2011 permet aussi de discerner une des extensions du fichier « base élèves ». Il dispose en effet que « Les données à caractère personnel utilisées dans le présent traitement sont soit issues de la base élèves académique (BEA) mise en œuvre par le ministère chargé de l’éducation nationale et le ministère chargé de l’agriculture, des bases de données du baccalauréat ou des bases de données de scolarité des établissements d’origine et d’accueil, soit fournies par les élèves, candidats à une admission dans une formation postbaccalauréat et par les chefs d’établissement et professeurs des élèves concernés. » Mais en ce qui concerne cette extension, la CNIL ne dit rien.
L’article 4 précise aussi que « Les destinataires des données à caractère personnel sont, dans la limite de leurs attributions respectives, les établissements où sont scolarisés les élèves, candidats à une admission en première année d’une formation postbaccalauréat, les établissements sollicités par les élèves, candidats à une admission en première année d’une formation postbaccalauréat, les administrations centrales des ministères chargés de l’enseignement supérieur, de l’éducation nationale, de l’agriculture et de la culture, les rectorats, les services régionaux de formation et du développement, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. » Les discours sur l’accueil d’étudiants étrangers ne trouvent pas nécessairement les voies d’une application concrète, tandis que les propositions quant à leur sélection se voient confortées [6]. La CNIL note alors « que les services de coopération et d’action culturelle des ambassades des pays où l’application informatique CEF-Pastel du ministère des affaires étrangères et européennes est mise en œuvre, ont accès aux données personnelles des candidats de leur pays de résidence. Elle prend acte que cet accès permet aux ambassades concernées de vérifier, avant la délivrance du visa, que l’attestation de préinscription fournie par le candidat étranger n’est pas un faux document. Les services effectuent à cette fin une requête sur le nom du candidat sur l’application afin de vérifier la réalité de la proposition d’admission. La commission considère que ces services ne devraient avoir accès qu’aux seules données relatives à la proposition d’admission. » En quelque sorte, l’obsession de la fraude, des "faux papiers" ou des "faux diplômes", ne devrait donc pas entraver les procédures d’inscription des étudiants de l’étranger... Mais sur ce point, seuls les services du ministère des Affaires étrangères peuvent répondre...
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[1] Les dispositions suivantes ne sont pas sans intérêt : « Il doit pouvoir, s’il le désire, être inscrit en fonction des formations existantes lors de cette inscription dans un établissement ayant son siège dans le ressort de l’académie où il a obtenu le baccalauréat ou son équivalent ou dans l’académie où est située sa résidence. Lorsque l’effectif des candidatures excède les capacités d’accueil d’un établissement, constatées par l’autorité administrative, les inscriptions sont prononcées, après avis du président de cet établissement, par le recteur chancelier, selon la réglementation établie par le ministre chargé de l’enseignement supérieur, en fonction du domicile, de la situation de famille du candidat et des préférences exprimées par celui-ci. »
[2] V. Délib. n° 2011-069 du 3 mars 2011 portant avis sur un projet d’arrêté relatif à la procédure d’admission en première année d’une formation postbaccalauréat (avis n° 1383587).
[3] Dans sa délibération n° 2011-069 du 3 mars 2011, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, après que le ministère ait répondu à ses demandes de compléments et en admettant les arguments, note que « le recueil de la nationalité et du pays de naissance de l’élève est nécessaire, car un candidat étranger, hors Union européenne, non titulaire d’un baccalauréat français, d’une part, doit obtenir un titre de séjour pour pouvoir obtenir une formation en apprentissage, d’autre part, doit respecter une procédure spécifique (la demande d’admission préalable) pour solliciter une préinscription en première année de licence. » De ce fait, la CNIL ne fait que « prendre acte » de l’engagement du ministère « de mettre en place une information précise destinée aux candidats étrangers non-résidents ou ne résidant pas en France. ». Toutefois, « le ministère a indiqué qu’afin de garantir un égal accès à l’application, les candidats résidant dans le pays où l’accès à un site “https” n’est pas possible pourront se connecter en “http” ».
[4] Délib. portant avis sur un projet d’arrêté relatif à la procédure d’admission en première année d’une formation postbaccalauréat (avis n° 1383587), JO 12 mai 2011.
[5] ... et qui peut, parfois, indisposer les membres d’un jury, v. par ex. le rapport de M. Pappalardo sur les concours d’entrée à l’École Nationale d’Administration pour 2010, rapport qui peut être comparé aux précédents, tous consultables sur le site de l’ENA.
[6] V. Discours du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche du 10 mai 2011 pour "mieux sélectionner et encadrer les étudiants internationaux en mobilité en France".