Le 11 décembre 2011, par Geneviève Koubi,
Dans une décision du Conseil d’Etat du 24 octobre 2011, Ministre de l’intérieur, req. n° 345514, il est explicitement signifié que la publication d’une circulaire doit être réalisée "à la fois" dans un bulletin officiel et sur le site circulaires.gouv.fr. La combinaison des dispositions du décret du 30 décembre 2005 relatif à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques, pris pour l’application de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 et du décret du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires l’impose.
Cette double publication est indispensable. Une circulaire ne détient de validité administrative ou de portée juridique qu’à ce titre… notamment lorsque les mesures qui y sont énoncées sont de celles qui peuvent être opposées aux administrés, et de ce fait, de celles dont ils pourraient se prévaloir.
Mais encore, s’agissant de l’application du décret du 8 décembre 2008, le Conseil d’Etat a saisi l’occasion pour faire remarquer que la mise en ligne d’une circulaire sur le site ‘ciruclaires.gouv.fr’ doit être complète ; la circulaire doit y être insérée en intégralité, donc avec toutes les annexes qui lui seraient rattachées.
La technique du renvoi à des annexes qui ne seraient que publiées au Bulletin officiel, couramment utilisée par les administrations, notamment en matière de droit de l’éducation et de droit des étrangers, devrait dès lors cesser [1]. En effet, le Conseil d’Etat estime que « la portée que ce décret confère à la mise en ligne ne saurait toutefois s’étendre, en cas de mise en ligne partielle de la circulaire, qu’à ses dispositions effectivement consultables sur le site ; qu’il est constant que le tableau fixant la liste des Etats concernés annexé à la circulaire du 22 septembre 2006 n’a pas été reproduit dans la version mise en ligne de cette circulaire, laquelle se borne à renvoyer, pour sa consultation, au bulletin officiel du ministère de l’équipement ».
La circulaire en cause est la circulaire n° 2006-78 du 22 septembre 2006 fixant la liste des Etats avec lesquels la France procède ou non à l’échange réciproque des permis de conduire. Or, il se trouve que la circulaire prend la forme d’une lettre, sous le sceau de la Direction de la sécurité et de la circulation routières, adressée aux autorités préfectorales : « Je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint un tableau récapitulatif des Etats avec lesquels la France procède ou non à l’échange réciproque des permis de conduire ». La liste de ces Etats est donc présentée dans ce tableau en ’annexe’.
La lettre-circulaire du 22 septembre 2006 précise que « la liste des Etats figurant sur ce tableau étant exhaustive, tout permis de conduire délivré au nom d’un Etat qui n’y est pas mentionné devra être considéré comme étant non échangeable au sens de l’article 7 (§7.1.1) de l’arrêté du 8 février 1999 précité ». Le juge relève alors, qu’ainsi dotée d’un tel effet à l’égard de bien des personnes, cette liste est séparée de la circulaire du fait de sa non publication concomitante avec celle de la circulaire. Des indications aussi substantielles dans une annexe à une circulaire non insérée sur le site ‘circulaire.gouv.fr’ bien que publiée au Bulletin officiel du ministère, sont dès lors "inopposables" aux administrés.
Le terme ordinairement employé pour assurer de la coupure entre le texte de la circulaire et les pièces qui y sont associées est bien le mot ‘annexe’ ; cependant, il ne l’est pas dans cette circulaire. En l’espèce, un tableau est joint à la circulaire. Ce tableau qui s’intitule « Liste des États n’appartenant ni à l’Union européenne, ni à l’Espace économique européen avec lesquels la France procède ou non à l’échange réciproque des permis de conduire » et est construit sur trois colonnes : 1/ État ayant délivré le permis de conduire ; 2/ Procédure applicable aux personnes ne bénéficiant pas d’un statut spécial (art. 7.1.1 de l’arrêté du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d’échange des permis de conduire délivrés par les États n’appartenant ni à l’Union européenne ni à l’Espace économique européen) ; 3/ Procédure applicable aux personnes titulaires d’une carte spéciale délivrée par le ministère des Affaires étrangères (art. 4 de l’arrêté du 8 février 1999…). Ce tableau suit la signature de la circulaire ; il a été préfiguré dans la lettre-circulaire par l’expression ’ci-joint’. C’est parce qu’il est ainsi disposé qu’il est ainsi considéré comme une « annexe ».
Remarquant donc que « le tableau fixant la liste des Etats concernés annexé à la circulaire du 22 septembre 2006 n’a pas été reproduit dans la version mise en ligne de cette circulaire » et en en tirant toutes ces conséquences, le Conseil d’État en vient à obliger les administrations à publier au Bulletin officiel et à mettre sur le site internet des circulaires tous les documents qui sont attachés, associés, combinés, articulés à une circulaire donnée [2]. Aussi denses soient-elles, les annexes ne peuvent être distinctes du texte qu’elles accompagnent ou complètent, même si elles ne sont faites que de tableaux, de fiches, de formulaires, etc. [3].
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Si, un jour, la structuration du site ‘circulaires.gouv.fr’ intégrait les dynamiques interactives d’internet en en exploitant toutes les potentialités, ne serait-ce que simplement en usant de liens hypertexte, peut-être que le juge considèrerait que le fait que les informations délivrées dans les annexes puissent être directement accessibles par ces biais, à partir de la circulaire elle-même, résoudrait la question de leur validité, de leur opposabilité donc.
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[1] V. E. Barthe, sur precisement.org : « Circulaires.gouv.fr : les annexes d’une circulaire, si elles n’ont pas été publiées sur le site, n’ont pas de portée juridique ».
[2] Cela n’exige pas de contorsions techniques importantes : pour un exemple récent, v. la note DPMA/SDRH/N2011-9686 du 7 décembre 2011 relative à la listes des autorisations nationales de pêche mises à jour au 5 décembre 2011.
[3] Nombreuses ont les modifications proposées des règlements intérieurs des établissement d’enseignement ou les fixations de programmes scolaires décidés par le ministre de l’éducation qui ne font l’objet que d’une publication au Bulletin officiel ! Ils ne devraient donc plus être opposables…