Le 10 septembre 2009, par Geneviève Koubi,
Le projet de loi organique relatif au Défenseur des droits est en ligne sur Legifrance… mais, plus qu’au projet, c’est à l’étude d’impact qui l’accompagne qu’il s’agirait de s’intéresser [1].
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Au paragraphe qui concerne directement « l’impact », quatre points – qui sont ceux qui devront sans doute être développés dans toutes les études d’impact relatives aux projets de loi – sont exposés dans le sommaire de l’étude : impact social, impact sur l’ordonnancement juridique, impact budgétaire, impact sur l’emploi public.
Seuls les deux premiers critères (impact social et impact sur l’ordonnancement juridique) sont ici retenus. Cependant, au titre de l’impact social qui, proprement dit, ne cite que les rapports du public avec l’administration, on trouve également l’impact administratif tandis qu’à l’évaluation de l’impact sur l’ordonnancement juridique, est ajouté l’impact sur le contentieux ou, plus exactement, sur l’exercice d’un droit de recours au juge…
En ce qui concerne « l’impact social », il est clairement affirmé que « la réforme permettra une action plus efficace du Défenseur des droits pour garantir les droits des administrés ».
Il ne s’agit donc pas de prendre en considération les droits de l’homme, ni les droits du citoyen [2].
En premier lieu, les remarques introductives de cette étude d’impact rappellent que « la protection des droits des citoyens et des libertés fondamentales relève essentiellement de l’office du juge, qu’il s’agisse du juge judiciaire, des juridictions administratives ou du Conseil constitutionnel, dont les pouvoirs ont été renforcés à cet égard par le mécanisme de contrôle de constitutionnalité par la voie de l’exception prévu par l’article 61-1 de la Constitution introduit par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008… » ; en second lieu, les dispositions du premier alinéa de l’article 4 du projet de loi organique retraduisent cette restriction pour ce qui concerne les ‘relations avec les administrations publiques ou autres personnes chargées d’une mission de service public’ : « Toute personne physique ou morale s’estimant lésée dans ses droits et libertés par le fonctionnement d’une administration de l’Etat, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public ou d’un organisme investi d’une mission de service public peut saisir le Défenseur des droits par voie de réclamation... ».
● La fermeture progressive des « droits » sur le champ administratif est confirmée lorsque l’étude rappelle que l’institution du Défenseur des droits suppose que cet organe dispose de moyens (« être plus efficace ») à l’encontre des administrations récalcitrantes, l’ingérence dans le cadre ‘privé’ n’étant évoquée que pour des questions relatives à la sécurité et pour les situations dans lesquelles sont en jeu la protection de l’enfant mineur (art. 4 al. 2 du projet de loi organique : « Le Défenseur des droits peut également être saisi, lorsque est en cause la protection des droits d’un enfant ou un manquement aux règles de déontologie dans le domaine de la sécurité, des agissements de personnes privées… »).
Ce resserrement sur le terrain administratif ne permet pas d’invoquer, dans le cadre constitutionnel, la défense des libertés fondamentales sinon seulement dans une relation particulière avec l’administration. Ce positionnement justifierait que les compétences de la Commission nationale de déontologie de la sécurité entrent dans le champ d’intervention du Défenseur des droits. Mais, à propos du recours possible au Conseil d’Etat, l’exemple proposé, s’il illustre cette concentration autour des espaces d’administration centrale, paraît incongru : « On peut notamment évoquer ici l’hypothèse d’une circulaire donnant une interprétation exagérément restrictive de la loi fiscale ».
Il ne sert à rien d’ajouter à la suite de cette phrase, cette précision : « Cette faculté permettra également de résoudre les difficultés qui touchent le plus directement au respect des libertés fondamentales, de façon juridiquement assurée ». En aucune manière, les considérations développées n’oeuvrent en ce sens.
● Pour ce qui est de l’impact administratif, l’essentiel des remarques revient signifier la disparition des services du Médiateur de la République, de la Commission nationale de déontologie de la sécurité et du Défenseur des enfants.
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En ce qui concerne « l’impact sur l’ordonnancement juridique », l’enjeu est de prévoir la nécessaire « fusion » ( ?) des lois instituant les autorités administratives indépendantes que le Défenseur des droits remplace : la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un médiateur ; - la loi n° 2000-196 du 6 mars 2000 instituant un Défenseur des enfants ; - la loi n° 2000-494 du 6 juin 2000 portant création d’une Commission nationale de déontologie de la sécurité [3].
De toute évidence, ces éléments obligent une modification des codes, des lois et des règlements qui s’y référaient [4].
● C’est dans ce cadre que la question de l’impact sur le contentieux est soulevée. Il est tout simplement affirmé que « la réforme devrait avoir un effet bénéfique sur les juridictions, en permettant de réduire le nombre de litiges qui leur sont soumis ».
Or, en ce domaine, les données sont incertaines... Il est ainsi présupposé que le Conseil d’Etat attribuerait aux actes du Défenseur des droits la même qualité que celle qu’il avait relevée à propos des actes du médiateur de la République : CE Ass, 10 juillet 1981, Retail. Par cette décision, le Conseil d’Etat avait estimé que les réponses adressées par le médiateur de la République aux parlementaires n’avaient pas « le caractère de décisions administratives susceptibles de faire l’objet d’un recours contentieux ».
Cependant, la posture du Défenseur des droits est désormais d’une autre nature. Le Défenseur des droits est une autorité publique, il n’est pas une juridiction. Il semble quelque peu prématuré de signifier que « les seules actions juridictionnelles occasionnées directement par l’activité du Défenseur des droits devraient donc être celles résultant de la mise en oeuvre de ses pouvoirs d’investigation, soit que le juge administratif des référés ou le juge des libertés ou de la détention soit saisi d’une difficulté en cas de contrôle sur place, soit qu’une attitude d’obstruction rende nécessaire une action pénale. Mais les cas où ces actions pourraient être introduites devraient rester très exceptionnels ».
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Les questions initiales ne sont donc pas résolues…
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[1] Notant toutefois que l’étude privilégie l’analyse du travail accompli jusqu’alors par le Médiateur de la République. Sont également à retenir les descriptions des autorités similaires dans les autres Etats, même si l’analyse comparative est succincte.
[2] V. Gk, Recoins constitutionnels : Le Défenseur des droits.
[3] Il n’y a pas lieu ici de relever l’incohérence de ces choix… politiques.
[4] V. liste p. 37-38 et p. 42 et suiv.