Le 23 mars 2014, par Geneviève Koubi,
Un très long résumé de la circulaire n° 5705/SG du 20 mars 2014 relative à la mise en œuvre du plan national d’action pour la prévention des risques psychosociaux dans les trois fonctions publiques voudrait rendre compte de la préoccupation - tardive - des pouvoirs publics envers les conditions de travail désormais imposées aux agents publics du fait des applications successives des impératifs d’une modernisation menée tambour battant et rattachés aux dogmes de la RGPP et puis de la MAP.
« Cette circulaire rappelle l’engagement pris par le Gouvernement, depuis 2 ans, d’une démarche globale de modernisation du dialogue social et de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique (cf. protocole d’accord-cadre relatif à la prévention des risques psychosociaux (RPS) signé le 22/10/2013 pour les trois versants de la fonction publique et l’ensemble du territoire). Chaque employeur public réalisera un diagnostic des facteurs de risques psychosociaux sur la base d’une démarche participative des agents à chaque étape du processus, diagnostic intégré dans des documents uniques d’évaluation des risques professionnels (DUERP) permettant l’élaboration d’un plan d’action de prévention des risques psychosociaux en 2015. Dans le cadre de la formation des acteurs de la prévention à la problématique spécifique des risques psychosociaux, est réaffirmé le rôle indispensable des CHSCT, dont les membres bénéficieront de 2 jours de formation dédiée à la prévention des RPS (et 1 journée au moins dès 2014). La définition et la mise en œuvre de ces plans d’action relèvent de la responsabilité des chefs de services sur qui repose l’obligation d’assurer la sécurité et de garantir la santé des agents ; s’agissant des directions départementales interministérielles, l’élaboration des plans sera placée sous la responsabilité du préfet et le pilotage national assuré par le secrétariat général du Gouvernement. Une évaluation de la mise en œuvre de l’accord-cadre sera effectuée par la formation spécialisée "conditions de travail, hygiène, santé et sécurité au travail" du conseil commun de la fonction publique. Quatre indicateurs précisés en annexe à la présente circulaire devront être suivis. Des instructions de la DGAFP pour la fonction publique d’État, de la DGCL pour la fonction publique territoriale, et de la DGOS pour la fonction publique hospitalière préciseront les modalités concrètes de déclinaison de l’accord. » [1]
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Signée du Premier ministre, cette circulaire - qui semble surtout n’être que de "rappels" - demanderait que plusieurs lignes de lecture soient explorées [2]. Ce peut être en retenant les consignes du Premier ministre relatives à la longueur des circulaires (moins de cinq pages) ; ou en se penchant sur la structure des annexes (dont la première se présente en un tableau d’où ressort une preuve de la tendance généralisée à l’utilisation du langage "power point" quelque peu infantilisant autant qu’improductif) ; ou bien en s’attachant au vocabulaire (des termes : engagement, mobilisation, responsabilité, efficacité...) ; ou encore en s’interrogeant sur le style littéraire (l’attitude de retrait du signataire par la parcimonie de l’usage du pronom "je" et, de ce fait, la répétition du terme de "Gouvernement") ; ou plutôt en recherchant les raisons de l’insistance mise sur ’l’accord-cadre’ (du 22 octobre 2013 sur la prévention des risques psychosociaux qui révèlerait l’existence du ’dialogue’ [3]) ; ou enfin, en analysant la teneur de la circulaire elle-même (indéniablement liée au dispositif exposé dans l’accord-cadre)...
Toutefois, il est à retenir que « la définition et la mise en œuvre de ces plans d’action relèvent de la responsabilité des chefs de service... ». Aussi, parce les plans d’évaluation et de prévention des risques psychosociaux doivent être achevés en 2015, bilan et évaluation devant être présentés devant le Conseil commun de la fonction publique au cours du premier semestre 2016, la circulaire a principalement pour objet d’annoncer l’élaboration des plans d’action de prévention des risques socioprofessionnels. En fin de compte, le protocole d’accord du 22 octobre 2013 n’a été qu’une étape préalable préfigurant les moyens diagnostiques alors que ces risques posent un problème de santé publique crucial dans les circuits de la modernisation de l’administration.
Dans cette configuration, le Premier ministre peut effectivement avancer que « l’efficacité des plans dépendra de l’engagement de tous les acteurs de la prévention et, au-delà, de la participation de l’ensemble des agents ».
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La première phrase de la circulaire donne le ton : « Les employeurs publics se doivent d’être exemplaires à l’égard de leurs agents ».
Mais, les interrogations sont multiples dans la mesure où, pour cette circulaire qui concerne autant les employeurs publics que les agents publics, les liens indispensables à sa compréhension comme à son application ne sont pas signifiés.
Or, plusieurs documents sont essentiels pour parfaire sa lecture : ● le protocole d’accord-cadre du 22 octobre 2013 sur la prévention des risques psychosociaux dans la fonction publique ; ● le guide méthodologique d’aide à l’identification, l’évaluation et la prévention des RPS dans la fonction publique [4] ; les ● référentiels de formation portant sur la prévention des RPS dans la fonction publique [5] ; et ● les indicateurs et diagnostics des risques psychosociaux. Si ces textes sont reproduits sur le site "fonction-publique.gouv.fr", le fait qu’ils ne soient pas clairement cités dans la circulaire (telle qu’elle est reportée sur "circulaire...gouv.fr") intrigue. La perplexité est de mise alors que sur le site "fonction-publique.gouv.fr" a été placé un document concernant directement la "prévention des risques psychosociaux dans la fonction publique".
Faudrait-il alors plutôt s’intéresser à la "date" de mise en ligne de la circulaire (au 21 mars 2014) ? Mais aussi, comment apprécier le fait que cette circulaire s’inscrive dans la catégorie "Directives adressées par le ministre aux services chargés de leur application, sous réserve, le cas échéant, de l’examen particulier des situations individuelles" ? [6]
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Les données du document relatif à la "prévention des risques psychosociaux dans la fonction publique" [7] permettent de discerner la manière dont les administrations publiques abordent ces risques en s’appuyant sur les dispositions du Code du travail [8].
Les risques psychosociaux, qui sont compris dans le cadre des risques professionnels, y sont présentés comme des « risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental ». Ainsi, le terme de RPS désigne « un ensemble de phénomènes affectant principalement la santé mentale mais aussi physique des travailleurs. Ils peuvent se manifester sous diverses formes : stress au travail mais aussi sentiment de mal-être ou de souffrance au travail, incivilités, agressions physiques ou verbales, violences, etc. ».
Au titre des enjeux, si « ces troubles peuvent favoriser des pathologies comme les dépressions, des troubles du sommeil, des ulcères, des maladies psychosomatiques, des réactions comportementales (consommation courante de produits addictifs), des troubles musculo-squelettiques (TMS), des maladies cardiovasculaires, ou entraîner des accidents du travail voire des suicides » [9], c’est sur le plan social que leurs effets semblent devoir être plus particulièrement retenus puisqu’ils « peuvent avoir des conséquences économiques et professionnelles et, notamment, se traduire par du désengagement au travail, un absentéisme accru ou des conflits entre les personnes ».
L’objectif est, pour le Gouvernement, d’engager une « une démarche d’amélioration durable des conditions de vie au travail mais aussi, et par là même, d’amélioration du service rendu aux usagers ». Ainsi, la circulaire du 20 mars 2014 s’attache-t-elle à rappeler que : « Prévenir efficacement les risques psychosociaux c’est se donner les moyens de construire un service public efficace auquel tous les citoyens sont attachés » [10]. De là découle la nécessité « d’identifier les facteurs de risque qui relèvent de l’organisation du travail, des relations sociales au travail ou des conditions d’emploi ».
Ainsi, la prévention de ces risques rend-elle indispensable une "réflexion sur l’organisation du travail" ; car « il est de la responsabilité des chefs de service, chefs d’établissement et autorité territoriale, de veiller à ce que des actions concrètes permettant de traiter les risques à la source soient mises en œuvre ». Cette perspective est plusieurs fois réitérée dans la circulaire du 20 mars 2014 puisque c’est sur les chefs de service que « repose l’obligation d’assurer la sécurité et de garantir la santé des agents ». Ainsi, il leur est enjoint de réduire les tensions au travail, de respecter leurs marges d’initiative, de favoriser les échanges au sein des équipes de travail, tout autant que de "veiller au respect des règles professionnelles et déontologiques de tous les agents dans le cadre des valeurs portées par la fonction publique" [11].
Le discours de la circulaire est alors entièrement tourné vers la mobilisation de tous, employeurs public et agents publics, pour la "réussite" de l’accord-cadre et du "dialogue social"...
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[1] Le logo de l’article en est la capture d’écran.
[2] NB : Les expressions et phrases visualisées en bleu sont tirées de la circulaire n° 5705 SG du 20 mars 2014.
[3] V. sur lagazettedescommunes.com, en octobre 2013 : « Risques psycho-sociaux dans la fonction publique : large adhésion des syndicats » ; puis en décembre 2013 : « Premières clés pour l’élaboration des plans de prévention des risques psychosociaux ».
[4] Ce guide méthodologique détaille les étapes de l’élaboration des plans d’actions en signifiant les éléments relatifs au diagnostic (facteurs de risques et niveaux de risques) et en présentant différentes formes de prévention.
[5] Encore des "référentiels" !
[6] Autant de questions qui seront peut-être être abordées lors de la journée d’étude du 13 juin 2014 sur "la grammaire juridique des circulaires administratives".
[7] Cf. Avis du CESE, S. Brunet, La prévention des risques psychociaux, éd. Journaux officiels, mai 2013.
[8] V. sur cahiersdelafonctionpublique.com : H. Lanouzière, « Risques psychosociaux et fonction publique : la convergence des problématiques en matière de risques professionnels ».
[9] La circulaire du 20 mars 2014 affirme ainsi que : « Promouvoir le bien-être de l’agent et, au premier chef, le respect de sa santé est un objectif primordial ».
[10] Efficacement, efficace ( !).
[11] V. sur emploi-public.fr : « Risques psychosociaux dans la fonction publique : les plans de prévention devront être achevés en 2015 ».