Le 20 juin 2014, par Geneviève Koubi,
Un colloque sur un thème d’actualité :"Le territoire,Questions juridiques et enjeux politiques" se tiendra le Jeudi 26 juin 2014 au Sénat (salle Clemenceau).
Le programme de cette journée annonce effectivement, non les questions, mais bien les (en)jeux juridiques et politiques... - ne serait-ce qu’au vu les personnalités qui y interviennent et les thèmes qui sont abordés.
Le découpage de la journée obéit à des problématiques spécifiques qui jouxtent les questionnements actuels sur la recomposition du territoire de l’État, travaillée plus particulièrement au prisme d’une conception revisitée de la décentralisation.
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Quelques-uns de ces découpages sont ici signalés.
1. « Génétique du territoire : la construction de la notion de territoire - regards croisés ».
L’interrogation initiale : Qu’est-ce que le territoire ? écarte toute digression impromptue sur le concept même de territoire, les géographes, pourtant les premiers concernés par cette question, n’ayant pas été conviés...
L’argumentaire proposé invite à croiser plusieurs regards : « il s’agira de faire apparaître, non une définition unique du territoire, mais les éléments qui servent de fondement à ce concept. Le terme de ’génétique’ précise la méthode qui est d’identifier les différentes souches qui ont participé à la formation de la structure complexe du territoire. » Les termes utilisés intriguent. Ils recèlent une prédétermination conséquente quant à l’approche recherchée. S’attacher à ’identifier les différentes souches’ qui auraient permis de construire une ’structure’ plutôt que discerner une ’notion’ de territoire suppose d’emblée une tentative de détermination de nouvelles normes [1].
2. Dans cette perspective seront abordées les relations entre « territoire et nature ».
Le triptyque « Territoire et espace, terre » demande à ce que soient repensés les grilles de lecture (intervenant : Marie-Angèle Hermitte) ; ensuite le diptyque « Territoire et hommes » se déplie avec une extension vers les concepts de peuple et de nation mais sans ouverture vers un concept de société civile [2], (intervenant : Pascal David) ; puis, enfin, parce que la question organisationnelle et fonctionnelle induit une démarche administrative, le rapport entre « Territoire et institutions » se reconstitue pour jouer au-delà de la notion de ’propriété publique’ et s’emparer de la perspective profondément libérale de la ’propriété foncière’ peut-être dans le but d’élaborer les strates d’une pensée fusionnelle entre territoire et État (intervenant : Jacques Caillosse).
3. « Politique des territoires » (séance amorcée par Mathieu Doat). Les enjeux politiques guident alors la mise en perspective juridique, sans que soient posées les ’questions de droit’ attenantes aux modèles d’une globalisation à marche forcée.
Ainsi, dans le rapport entre « Territoires et États », ce sont « les évolutions de la société et de l’économie et le développement de nouvelles organisations » qui sont convoquées afin de poursuivre le processus de la « modernisation de nos institutions territoriales ». Il ne s’agit pas de prendre en considération les différents statuts des territoires composant la République et leurs évolutions possibles, notamment suivant les revendications autonomistes ou indépendantistes, mais de préserver l’indivisibilité de la République. Les propos sont organisés autour d’une question classique : « Comment garantir l’unité de la République tout en respectant la diversité des territoires ? »
En quelque sorte, c’est surtout cette idée absconse de ’diversité des territoires’ qui concentre l’attention. La fonction des cultures apparaît ainsi occultée alors que les objets saisis les présupposaient comme par exemple : « L’État et la diversité des territoires : l’exemple des outre-mer » (intervenants : Serge Larcher, Sénateur).
4. Mais l’objectif précis de cette orientation qui exclut toute études relatives aux cultures sociales et sociétales se révèle aussi bien dans le modèle européen qui fait l’objet de l’intervention suivante : « Stratification et coopération des territoires, de l’Europe aux intercommunalités » (intervenant : Serge Regourd), que dans le panel de la table ronde autour du thème croisé de la « Diversité des territoires et (de l’)unité de la République : un sénateur, un ancien maire-adjoint de Toulouse, un professeur de droit public, un administrateur Banque Publique d’Investissement chargé des partenariats régionaux et de l’action territoriale. Le discours politique est d’ordre économique et, par là, surpasse l’ordonnancement juridique.
5. Ce parcours qui emprunte les voies néolibérales ne pouvait exclure une attention spécifique à l’égard des personnes. Aussi une mise en relation entre « Territoires et personnes » paraissait-elle indispensable. Sur ce point la dynamique d’une inscription des problématiques du/des territoires dans l’espace du marché européen est assumée : « Le principe de la circulation des personnes efface nos territoires et une nouvelle perception de l’espace se forme. Comment penser la sécurité sur un territoire ouvert et en pleine restructuration ? ».
Pour cela, plutôt que se pencher sur les faits psychiques, une association entre « Territoires et éléments constitutifs de la personne » se devait-elle d’être restituée (intervenant : Xavier Bioy) ? En revanche, la forme interrogative n’a plus lieu d’être quand les modélisations migratoires sous-jacentes à la libre circulation des personnes interfèrent ; elles ne pouvaient être passées sous silence ; aussi fallait-il évoquer la recherche d’équilibre entre « Territoires, liberté, sécurité » (intervenant : Serge Slama)...
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Cette lecture biaisée d’un programme de colloque doit se comprendre comme une invitation à y assister.
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[1] NB : Un numéro de la revue Jurisdoctoria, le numéro 10, consacré au "territoire" ouvrait quelques-uns des ces questionnements et révélait déjà l’imprégnation de la pensée néolibérale affectant fortement les conceptualisations juridiques...
[2] ... un temps dit ’gadget’ : D. Lochak, « La société civile, du concept au gadget », in J. Chevallier (dir.), La société civile, PUF, CURAPP, 1968, p. 44.