Le 24 janvier 2015, par Geneviève Koubi,
Voici maintenant qu’après diverses désignations telles celles de lettre ministérielle, d’instruction, de note de service, de note d’information, de note d’orientation, de directive, de charte, etc., les circulaires deviendraient directement « information »...
Le résumé de l’Information du 23 décembre 2014 relative aux demandes d’asile présentées par des étrangers placés en rétention administrative en vue de leur éloignement laquelle signale les Suites à donner à la décision n° 375430 du Conseil d’État du 30 juillet 2014, de construction syntaxicale bancale, est particulièrement éloquent sur ce point : « La présente information est destinée à vous communiquer toutes les informations utiles quant aux conséquences à tirer de la décision n° 375430 du CE du 30 juillet 2014 annulant partiellement la note d’information du 5 décembre 2013 relative aux demandes d’asile présentées par des étrangers placés en rétention administrative en vue de leur éloignement ».
Néanmoins, on peut légitimement s’interroger sur le fait qu’un tel résumé, de teneur très fade, puisse être présenté tel quel sur le site www.circulaires...gouv.fr, alors qu’un autre résumé assure de l’ouverture de la circulaire-information elle-même : « Afin de se conformer aux obligations résultant de la décision n° 375430 du Conseil d’État du 30 juillet 2014 annulant partiellement la note d’information du 5 décembre 2013, les préfets sont invités, lorsqu’une demande d’asile est présentée par un ressortissant étranger postérieurement à son placement en rétention en vue de son éloignement, de réexaminer sa situation afin, d’une part, de déterminer la procédure d’instruction de sa demande d’asile (admission ou non au séjour) et, d’autre part et le cas échéant, de décider de son maintien ou non en rétention ». Ce résumé est nettement plus parlant !
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En effet, le Conseil d’État a, dans cette décision du 30 juillet 2014, La Cimade, estimé que « le dispositif transitoire mis en place par la note [INTV1327386N du 5 décembre 2013 du ministre de l’intérieur relative aux demandes d’asile présentées par des étrangers placés en rétention administrative en vue de leur éloignement] attaquée a pour effet de confier à l’OFPRA, établissement public qui n’est dès lors pas au nombre des services placés sous l’autorité du ministre de l’intérieur, l’examen individuel de la situation des personnes ayant formé une demande d’asile en rétention, alors qu’en vertu des textes qui le régissent, il n’appartient pas à cet établissement public de contribuer à la détermination de la procédure selon laquelle les demandes d’asile doivent être instruites ; qu’il suit de là que le ministre de l’intérieur n’était, dans cette mesure, pas compétent pour édicter un tel dispositif, qui n’assure d’ailleurs pas la conformité de la procédure applicable aux demandes d’asile formées par des personnes placées en rétention avec les exigences découlant du droit de l’Union européenne énoncées aux points 6 [1] et 7 de la présente décision [2] ; qu’ainsi, sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens relatifs aux conséquences et aux modalités du signalement au préfet, par l’OFPRA, d’une demande d’asile non manifestement infondée, la note attaquée doit être annulée en ce qu’elle confie à ce dernier la charge de procéder à un tel signalement ».
Mais encore, en un point 20, le Conseil d’État ajoute : « Considérant qu’il y a lieu de préciser la portée de cette annulation par des motifs qui constituent le soutien nécessaire de la présente décision ; que celle-ci a nécessairement pour conséquence que les services placés sous l’autorité du ministre de l’intérieur sont tenus, le cas échéant sur instruction de ce dernier, dans l’attente de l’édiction des dispositions législatives et réglementaires nécessaires au plein respect des exigences découlant du droit de l’Union Européenne, de procéder au cas par cas à un examen préalable des demandes d’asile présentées par des personnes placées en rétention administrative afin de déterminer la procédure d’instruction qu’elles appellent ainsi que la nécessité du maintien en rétention de ces personnes ».
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Du fait de cette circulaire-information du 23 décembre 2014 relative aux demandes d’asile présentées par des étrangers placés en rétention administrative en vue de leur éloignement, on se trouverait devant une interprétation administrative d’une interprétation juridictionnelle. Or cette interprétation administrative qui fait accéder l’arrêt cité au rang de « jurisprudence » en lui accordant une attention dont les lectures sous-jacentes laissent augurer des applications détournées, ne tire pas vraiment les « conséquences » de la décision du Conseil d’État.
D’une part, son premier paragraphe s’évertue à justifier le contenu de la note du 5 décembre 2013. D’autre part, parce que l’annulation partielle opérée par le Conseil d’État la vide de son sens, le choix est fait d’abroger « intégralement » cette note du 5 décembre 2013... pour aussitôt proposer une autre procédure.
Ce modèle se révèle en une seule phrase par trois fois répétée : « En conséquence je vous invite à procéder de la manière suivante :... ».
La première occurrence concerne l’examen de la situation du demandeur en rétention, la deuxième s’attache à l’examen du maintien en rétention, la troisième concerne le respect du délai de cinq jours pour effectuer la demande d’asile reconnu à l’étranger au moment de son arrivée au centre de rétention...
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De toute évidence, le résumé présenté sur le site des circulaires applicables revêt un caractère trompeur. Il ne s’agit pas seulement de signifier les « conséquences à tirer de la décision n° 375430 du CE du 30 juillet 2014 annulant partiellement la note d’information du 5 décembre 2013 ». Il s’agit essentiellement de refaire une autre note en tenant compte de la décision du Conseil d’État n° 375430 du 30 juillet 2014...
Il s’agit donc d’une nouvelle circulaire et non d’une simple information !!!
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Soudain remise en ligne sur le site www.circulaires...gouv.fr le 2 février 2015, la circulaire-information du 23 décembre 2014 se voit annoncée par un autre résumé que celui initialement enregistré : "La présente information est destinée à vous communiquer toutes les informtions utiles quant aux demandes d’asile présentées par des étrangers placés en rétention administrative en vue de leur éloignement. Suites à donner à la décision n° 375430 du Conseil d’Etat du 30 juillet 2014". Toutefois, la circulaire elle-même ne semble pas avoir été réécrite...
Ce type de modification est préoccupant dans la mesure où il supposerait de manière plus accentuée qu’auparavant que les informations glanées sur des sites officiels gouvernementaux ou ministériels ne sont pas stabilisées. Si on se doute bien du fait de la date à laquelle cet article a été posté que la circulaire-information en cause a été référencée avant ce 2 février 2015, ces changements de référencement empêche désormais de considérer ce site comme étant une source d’information sûre. Dommage...
[1] Point 6 : « Considérant, d’une part, que selon le 4° de l’article L. 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui transpose sur ce point les dispositions du j) du 4 de l’article 23 de la directive du 1er décembre 2005, l’admission en France d’un étranger qui demande à bénéficier de l’asile peut être refusée, déclenchant le traitement de sa demande par l’OFPRA selon la procédure prioritaire, si " la demande d’asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d’asile ou n’est présentée qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement prononcée ou imminente. (...) " ; que la circonstance qu’un étranger présente une demande d’asile postérieurement à son placement en rétention administrative ne saurait, à elle seule et sans une appréciation au cas par cas, permettre de présumer que cette demande n’a été introduite qu’en vue de faire échec à son éloignement ; qu’en outre, seule l’intervention préalable d’une décision de refus d’admission au séjour au titre de l’asile, prononcée au terme d’un examen au cas par cas de chaque demande d’asile, est de nature à conduire à la mise en oeuvre de la procédure prioritaire ».
[2] Point 7 : « Considérant, d’autre part, que la circonstance que l’admission au séjour d’un étranger ayant présenté une demande d’asile postérieurement à son placement en rétention soit refusée, au terme d’une appréciation au cas par cas, au motif que cette demande serait manifestement dilatoire au sens des dispositions du 4° de l’article L. 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne saurait, eu égard au caractère privatif de liberté d’une telle mesure, justifier le maintien du placement en rétention initialement décidé pour d’autres motifs qu’au terme d’un examen du caractère objectivement nécessaire et proportionné d’une telle mesure au regard de l’ensemble des circonstances de l’espèce et notamment du risque que l’intéressé se soustraie définitivement à son retour ».