Le 9 septembre 2016, par Geneviève Koubi,
Dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale [1], « Prévenir, aider, accompagner : Nouvelles solutions face au chômage de longue durée » du 9 février 2015, avait été évoquée la création de crèches à vocation professionnelle.
L’expression prête à confusion. Ce ne sont pas les crèches elles-mêmes qui détiendraient une telle finalité. Seulement, le dispositif général, tel qu’il est réitéré dans l’instruction ministérielle DGCS/SD2C/DGEFP/2016/224 du 29 août 2016 relative à la procédure d’adhésion à la charte nationale des crèches à vocation d’insertion professionnelle est de permettre de réserver « des places aux jeunes enfants (de 0 à 3 ans) de parents en situation de recherche d’emploi ». Ainsi, ces derniers bénéficieraient « d’un accompagnement social et professionnel intensif en vue de leur intégration durable sur le marché du travail ». Pour plus de clarté, on aurait préféré que soit signifiée l’obtention d’un emploi plutôt qu’une « intégration sur le marché du travail », rappelant ainsi que parmi les principes affirmés dans le Préambule de 1946 figure « le droit d’obtenir un emploi » [2].
En fait, ce sont les femmes, les mères qui se trouvent être principalement visées par ce dispositif en tant « qu’elles sont cheffes de familles monoparentales et dans une situation de précarité sociale », du fait de l’antienne discursive de l’égalité des femmes et des hommes. Pourtant, l’ensemble du dispositif avait été signifié à l’attention de tous... notamment dans les quartiers prioritaires.
Le dispositif ainsi pensé n’est en effet pas généralisé. Selon le plan de lutte contre la pauvreté présenté en 2015, il est prévu de soutenir la création de ces crèches à vocation d’insertion professionnelle « dans les quartiers défavorisés, en lien avec les conventions d’accompagnement global ». Ce modèle exige nécessairement des garanties. C’est ainsi que la « charte nationale des crèches à vocation d’insertion professionnelle » fixe les « principales modalités d’adhésion des établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) au système envisagé. Cette charte nationale relative à ces « crèches à vocation d’insertion professionnelle » a été signée en avril 2016 par l’État, la Cnaf et Pôle emploi.
La circulaire du 29 août 2016, bien moins explicite que les propositions développées dans le préambule de la charte sur les crèches à vocation d’insertion professionnelle, présente essentiellement les procédures d’adhésion à cette charte… Or, dans ce cadre, l’objectif n’est pas d’imposer des obligations aux services publics d’accueil de la petite enfance mais de solliciter toutes les structures existantes en ce domaine, publiques comme privées… Il s’agit donc, ainsi, de susciter des projets en rapport avec les « schémas départementaux des services aux familles » !
S’ensuivent d’abord des modes de « repérage » des familles qui pourraient être concernées par ces crèches à vocation d’insertion professionnelle. Aucune précision n’est donnée sur ce point même si l’on peut retracer quelques-unes des données à partir des différents plans de lutte contre la pauvreté [3].
Ensuite, comme il ne s’agit pas vraiment de créer ces crèches, mais plutôt de créer des places en crèche pour les enfants de parents demandeurs d’emploi et chômeurs de longue durée, ce serait aux établissements d’accueil des jeunes enfants de présenter leur candidature en détaillant : les « modalités d’accueil des enfants (nombre de places, amplitude horaire, jours d’accueil, modalités d’adaptation à des besoins complémentaires : urgence, « à la carte », etc.) » ; en décrivant « l’organisation proposée pour vérifier, en lien avec Pôle emploi, l’éligibilité des parents souhaitant s’engager dans une démarche active de recherche d’emploi, rendue possible par l’accueil de l’enfant au sein de l’établissement » ; en signifiant combien de places seraient occupées par les enfants desdits parents et pour combien d’heures par semaine »... ;
Les « porteurs de projet » doivent, entre autres, s’engager à : « inscrire leur offre en complémentarité avec les offres d’accueil sur le territoire ; - agir dans une dynamique partenariale avec les acteurs de l’insertion sociale et professionnelle sur le territoire, ... ; - accueillir au minimum 30% d’enfants de moins de 3 ans « dont les parents sont dans une démarche active de recherche d’emploi, selon une volumétrie et des périodes définies par chaque EAJE ; une attention particulière est portée aux familles monoparentales et prioritairement celles résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ; - participer au repérage et à l’orientation des parents vers le dispositif... ; - adapter le fonctionnement du service d’accueil aux besoins des publics fragiles (temps d’accueil et d’écoute des parents, période d’adaptation, implication des parents, etc.) … ; assurer une place d’accueil pérenne de l’enfant lorsque le parent bénéficiaire retrouve un emploi,… jusqu’à l’entrée de l’enfant en école maternelle ». Quant aux parents concernés, ils doivent pour leur part s’engager à « mener une démarche active de recherche d’emploi ». A cette condition la crèche assure au moins trois jours de garde de l’enfant par semaine. Pôle emploi, de son côté, doit accompagner le parent dans la démarche - dite dans ce cadre « intensive » - de recherche d’emploi.
Ce dispositif est prévu pour une année. Au terme de douze mois, si le parent n’a pas trouvé d’emploi, la crèche réduit à une journée par semaine la garde de l’enfant !!! Dès lors, ne peut-on se poser la question sur la notion de « chômage de longue durée » particulièrement soulevée dans le plan présenté en février 2015 ?
[1] V. bilan 2013-2014 et feuille de route 2015-2017.
[2] Al. 5 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi... ».
[3] V. Par ex., communiqué ministériel du 9 février 2015 pour la présentation du plan « Prévenir, aider, accompagner : Nouvelles solutions face au chômage de longue durée » : « Les principaux facteurs de risques du chômage de longue durée sont connus : âge, niveau de qualification, existences de problématiques de mobilité, de logement, de santé, de garde d’enfants. Nous savons également que lorsqu’un demandeur d’emploi s’inscrit au chômage, il a 2 fois plus de risques de tomber dans le chômage de longue durée s’il est âgé de plus de 55 ans, de même s’il est sans diplôme, et 1.6 fois plus s’il est un parent isolé. Mieux repérer ces risques dès le début du chômage et enclencher tout de suite les solutions permettrait de sortir des dizaines de milliers de demandeurs d’emploi de l’exposition au chômage de longue durée. Or jusqu’à aujourd’hui, le diagnostic est trop souvent une variable d’ajustement de l’entretien d’inscription à Pôle emploi, la priorité étant donnée aux démarches administratives et au montage du dossier d’indemnisation. Pôle emploi va désormais profondément modifier l’organisation des premiers temps de la prise en charge des demandeurs d’emploi, en dématérialisant l’inscription administrative et en créantun entretien de situation, situé entre deux et quatre semaines après l’inscription au chômage qui constitue un véritable temps de diagnostic approfondi... »