Le 26 février 2019, par Geneviève Koubi,
Des informations en pagaille. Des indignations légitimes…
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* Informations
« Le procureur de la République de Paris veut prolonger les GAV pour empêcher de manifester »
« Gilets jaunes : les consignes de la discorde »
« Note sur les gilets jaunes : le statut du procureur décrié »
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La note en cause est intitulée "Permanence gilets jaunes". Elle a été diffusée à tous les membres du parquet de Paris. Elle est signée par le procureur de la République, en date du 12 janvier 2019.
Elle avait été signalée dès le 30 janvier 2019 dans Le Canard enchaîné. Son contenu s’entend de directives ainsi lancées dans la mare médiatique en ce jour, 26 février 2019.
Que proposent/imposent cette note, ces ’consignes’ à l’attention des membres du parquet à propos des manifestions (dés)organisées des samedis depuis plus d’un mois ? Il s’agit de :
Privilégier les levées de garde à vue le samedi soir ou le dimanche matin, même si l’affaire est classée sans suite. Inscrire les gardés à vue sur le fichier du Traitement des antécédents judiciaires (TAJ). Éviter de convoquer à nouveau les policiers pour établir les circonstances des faits et donc, qui les auraient interpellés. N’utiliser les caméras de surveillance que pour les faits graves ou contestés....
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* Indignations
« Fichage, garde à vue… Les consignes du procureur de Paris indignent des magistrats »
« "Gilets jaunes" » : le Syndicat de la magistrature dénonce une note du procureur de Paris »
Le syndicat de la magistrature a ainsi publié un communiqué : « Le procureur de la République de Paris : le maillon faible des garants de la liberté individuelle ? » :
« Dans la continuité d’une communication décomplexée aux côtés du préfet de police et dans les locaux de la préfecture de police de Paris, le procureur de la République est "à l’aise", dans ces instructions écrites, avec l’injonction de "fermeté" promise par l’exécutif, tout comme l’était la garde des Sceaux sur le plateau de la permanence en plein rush. Il en oublie malheureusement les principes fondamentaux devant présider à la direction d’une enquête. »
Les consignes ainsi exposées dans cette note de service constituent « une atteinte à la liberté individuelle » pour le Syndicat de la magistrature.
L’atteinte à la liberté individuelle est caractérisée puisque l’instruction est bien « de maintenir les gardés à vue sur des gens dont on sait qu’ils ne seront pas poursuivis ». Ils sont ainsi privés de liberté pendant plusieurs heures pour de prétendues nécessités de maintien de l’ordre. Est-ce bien là la raison d’être des gardes à vue ? Et que dire du « fichage » ainsi sollicité ? N’est-il pas abusif puisque, ces rétentions étant effectuées préventivement ( ?!), il n’existe pas nécessairement d’infraction caractérisée. Sauf que, comme le souligne le communiqué du Syndicat de la magistrature, un nouvel outil entre en jeu : celui du « fait établi trop lacunaire non poursuivable devant une juridiction mais justifiant une réponse pénale » !
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Comme quoi… en dépit des intentions quant à une transparence administrative, malgré les directives quant à leur nécessaire diffusion, des instructions peuvent être camouflées. Et lorsque le public en prend soudain connaissance... les réactions ne se font pas attendre.
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Or, quand les consignes que de telles instructions cachées alignent portent atteinte aux droits et libertés, leurs illégalités ne fait guère de doute. Quand ce type d’instructions émane d’un fonctionnaire qui affiche une qualité de juriste, d’un juge en l’occurrence, la formule présidentielle du 20 septembre 2017 sur la « sortie » de l’État de droit ne peut plus être considérée comme un simple lapsus. Resterait alors à accorder à ce lapsus sa force freudienne de « révélateur de l’inconscient »....
État de droit ? Ne faudrait-il pas aussi se pencher sur l’état du droit actuel ?
Ajout au 28/02/2019 :
comme d’une invitation à lire le billet de Paul Cassia : "Gilets jaunes : le procureur de la République de Paris contre la liberté individuelle ? "
[1] V. par ailleurs, sur le site de la Gazette du Palais, au 12 févr. 2019, l’article de Olivia Dufour : « Gilets jaunes : les avocats dénoncent une justice spectacle ».