Le 1er novembre 2010, par Geneviève Koubi,
Paraphe ? Dans une orthographe simplifiée, ce serait "parafe". C’est une griffe, c’est une marque. Mais, dans un fichier dénommé PARAFE, c’est beaucoup plus qu’une empreinte.
Fondé sur une expérimentation réalisée pendant quelques temps dans un aéroport parisien [1], d’abord pensée à l’adresse des voyageurs pressés de l’espace Schengen [2], le décret n° 2010-1274 du 25 octobre 2010 porte création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé PARAFE [3]. Le ministre de l’intérieur et le ministre chargé de l’immigration sont donc « autorisés à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé PARAFE ». La mise en oeuvre de ce PARAFE s’entend aussi selon le dispositif de l’arrêté du 25 octobre 2010 pris pour l’application du décret n° 2010-1274 du 25 octobre 2010 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé PARAFE [4]
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PARAFE désigne le passage rapide aux frontières extérieures. Concrètement, il est le plus souvent fait d’un étroit couloir vitré qui s’ouvre à l’avancée de la main. Ce mode de passage des frontières est prévu pour les voyageurs, « personnes majeures, citoyens de l’Union européenne ou ressortissants d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse ainsi que leurs conjoints ressortissants d’un pays tiers ». Ils s’y inscrivent volontairement et, une fois inscrits, y sont maintenus : « L’inscription et le maintien au programme PARAFE nécessitent la détention d’un passeport en cours de validité. Un arrêté du ministre de l’intérieur et du ministre chargé de l’immigration fixe la liste des titres et documents permettant aux personnes de s’inscrire et de bénéficier des modalités de contrôle prévues par ce programme. » (art. 1er al. 2, D. 25/10/2010) [5]
Le bénéfice est plutôt à comprendre en sens inverse : ce système est principalement destiné à faciliter les contrôles de police. Il peut être compris comme un moyen de fluidifier les passages... et, à terme, de justifier les compressions de personnels.
L’article 2 de l’arrêté du 25 octobre 2010 précise ainsi : « Pour l’entrée dans le sas PARAFE, la personne inscrite au programme PARAFE présente son passeport si celui-ci est doté d’une bande de lecture optique conforme aux recommandations du document 9303 de l’Organisation de l’aviation civile internationale. / Dans le cas où le passeport ne dispose pas d’une bande de lecture optique ou lorsque celle-ci n’est pas lisible par le système PARAFE, une carte de passage PARAFE peut être délivrée par le service ayant procédé à l’inscription au programme. La validité de cette carte expire à la même date que celle du passeport ayant permis l’inscription. Son porteur est informé que cette carte ne peut être utilisée que pour le franchissement du sas PARAFE et ne le dispense pas, le cas échéant, de produire le titre ou document qui peut être exigé pour le franchissement des frontières de l’Etat de départ ou de destination. »
Alors que l’inscription sur le fichier PARAFE ne semble pas obligatoire, ce traitement automatisé « se substitue au traitement automatisé de données à caractère personnel relatives à des passagers des aéroports français franchissant les frontières extérieures des Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 créé par le décret n° 2007-1182 du 3 août 2007 » (art. 6 I, D. 25/10/2010), — lequel décret est alors abrogé.
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Les catégories de données à caractère personnel enregistrées sont les données relatives au passager : état civil : nom de famille, nom d’usage le cas échéant, prénom, date de naissance ; lieu de naissance (ville ; département ; pays) ; la nationalité figurant sur le passeport présenté lors de l’inscription ; l’adresse (ce, à titre facultatif). Ce sont aussi les données relatives à l’inscription du passager dans le traitement automatisé : numéro d’inscription ; date et heure d’inscription ; type, numéro et limite de validité du titre ou document permettant l’inscription. Ce sont surtout les minuties des empreintes digitales de huit doigts posés à plat (art. 2, D. 25/10/2010) [6].
L’article 3 du décret dispose alors : « Ces données à caractère personnel sont conservées pendant une durée de cinq ans à compter de leur inscription. Toutefois, les données des personnes qui renoncent au programme sont effacées sans délai. »
La délibération de la CNIL n° 2010-105 du 15 avril 2010 portant avis sur un projet de décret modifiant le décret n° 2007-1182 du 3 août 2007 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel relatives à des passagers des aéroports français franchissant les frontières extérieures des Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 (avis n° 1205636 v1), offre quelques lumières sur ces dispositifs. S’il s’agit bien d’une modification du traitement dénommé PARAFES qui concernait principalement les passagers aériens volontaires, PARAFE (sans le S donc) concerne toutes les voies de passage : air, mer, terre (ferroviaire et, peut-être un jour à venir, routier).
Mais encore, « la commission observe que l’extension du dispositif à l’ensemble des points de passage frontalier s’inscrit dans le cadre plus général de l’automatisation des contrôles effectués aux frontières extérieures de l’Union européenne (UE), qui constitue un des objectifs prioritaires de l’UE en matière de sécurité. Elle relève que la France joue un rôle moteur dans ce processus d’automatisation des contrôles aux frontières avec la mise en œuvre du traitement PARAFE notamment, mais également avec celle du traitement VISABIO ou par l’expérimentation menée à La Réunion dans le cadre du traitement GIDESE. » Ce qu’elle critiquait en 2007 n’a plus lieu de l’être. Ainsi, plutôt que faire remarquer que le choix d’une inscription dans le fichier PARAFE n’en est pas un, « dans la mesure où la mise en œuvre de ces extensions ne modifiera pas les caractéristiques du traitement et où la finalité d’amélioration et de facilitation des contrôles aux frontières est légitime, la commission prend acte de ces modifications, qui apparaissent de nature à harmoniser les modalités de contrôle des voyageurs à l’ensemble des points de passage frontalier. » ( !)
Par ailleurs, comme le passage PARAFE semble désormais devoir remplacer toute autre forme de contrôle aux frontières pour les catégories de voyageurs désignées, selon l’article 7 du décret, il est prévu que peuvent également bénéficier du traitement PARAFE, les personnes majeures, citoyens de l’Union européenne ou ressortissants d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, non inscrites au programme PARAFE mais titulaires d’un passeport dit "biométrique". Il est alors spécifié que les catégories de données à caractère personnel traitées dans ce cas sont : les minuties des empreintes digitales de deux doigts posés à plat du porteur du passeport, en sus des nom, prénom, date de naissance, nationalité, numéro et limite de validité du passeport. Le principe est simple : le passeport doit être introduit dans la borne d’accès, puis, une fois dans le sas, il s’agit de glisser les doigts sur le curseur, la lecture biométrique des empreintes digitales, par simple contact du doigt, ouvre la voie. L’authentification biométrique de ces personnes dans le sas se réalise par la comparaison entre l’empreinte digitale apposée sur le lecteur et une empreinte digitale contenue dans la puce sans contact intégrée dans le passeport. Les empreintes digitales de ces personnes ne sont pas conservées, mais les autres modalités de fonctionnement du dispositif seront inchangées. La CNIL « prend acte de la mise en œuvre de cette nouvelle fonctionnalité, qu’elle considère comme plus protectrice des données à caractère personnel des personnes concernées. »
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Pour les tenants de PARAFE, les formalités de passage aux frontières sont simplifiées et plus rapides... mais sans sourire d’accueil. Pour les autres, cela sera "par affres" que s’effectuera le passage devant le seul préposé surchargé de travail qui y sera affecté... [7]
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[1] Signalant toutefois que, pour y être si souvent passée, je n’ai jamais vu le couloir prévu pour les passages correspondants fonctionner...
[2] V. sur LDH Toulon : « PARAFES : fichage biométrique pour voyageurs pressés », août 2007
[3] En enlevant le S qui évoquait l’espace Schengen.
[4] Décret et arrêté sont publiés au Journal officiel du 27 octobre 2010.
[5] V. l’arrêté du 25 octobre 2010 sus-cité.
[6] Il est à noter que le principe des empreintes de huit doigts est celui appliqué pour les passeports biométriques : v. G. Guglielmi, « Le passeport français n’est plus électronique mais biométrique », Drôle d’En-Droit, mai 2008.
[7] Tant de termes se lisent à double sens !