Le 16 mai 2011, par Geneviève Koubi,
La "délégation aux affaires juridiques auprès des ministres chargés des affaires sociales" créée par le décret n° 2011-498 du 5 mai 2011 s’entend « auprès des ministres chargés du travail, de l’emploi, de la santé, de la sécurité sociale, des solidarités, de la cohésion sociale, de la jeunesse, de la vie associative, de la ville et des sports. »
Sans s’interroger là sur le fait que seules ces charges sont directement visées, cette délégation « exerce une fonction d’animation, de conseil, d’expertise et d’assistance » auprès des administrations centrales et des services territoriaux concernés ; de plus elle « assure le suivi de tous les contentieux intéressant les ministères mentionnés ..., à l’exception de ceux se rapportant au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle. Elle représente les ministres devant la section du contentieux du Conseil d’État. »
Placée « sous l’autorité du secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales », elle « est le correspondant du Défenseur des droits et de la commission d’accès aux documents administratifs. Elle assure un rôle de conseil et d’expertise en matière de traitement des données à caractère personnel. »
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L’arrêté du 5 mai 2011 portant organisation de la délégation aux affaires juridiques auprès des ministres chargés des affaires sociales prévoit plusieurs pôles : Un pôle "droit public et droit constitutionnel" ; Un pôle "droit privé, droit pénal et droit de la CEDH" ; Un pôle "qualité de la réglementation et droit de l’Union européenne" ; Un pôle "droit de l’outre-mer et cohérence des codes" ; Un pôle "contentieux" ; Un pôle "réseaux, formation et information". Le découpage semble confus.
Quoiqu’il en soit, c’est dans le dernier de ces pôles, le pôle "réseaux, formation et information" qu’est rangée la fonction de correspondant du Défenseur des droits et de la commission d’accès aux documents administratifs.
Or ce pôle « assure la diffusion des connaissances juridiques et contribue au développement des compétences dans ce domaine auprès des administrations centrales, services territoriaux et établissements publics placés sous la tutelle des ministères et agissant au nom de l’État. (...) Il assure une mission de veille normative et jurisprudentielle. Il est chargé de la direction éditoriale du courrier juridique des affaires sociales et des sports ainsi que du recueil de jurisprudence. Il apporte son concours à la direction des ressources humaines pour la formation des agents dans les domaines du droit. »
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Il serait intéressant de comparer ce texte avec l’arrêté du 8 avril 2011 portant organisation de la direction des affaires juridiques au ministère de la Défense... Dans ce cadre, la sous-direction du droit public et du droit privé est chargée, entre autres fonctions, « de connaître, sous réserve des attributions dévolues à la direction des affaires financières et à la direction des ressources humaines du ministère de la défense, de toute question de droit public et de droit privé intéressant le ministère de la défense ». Mais elle a aussi la charge « d’être le correspondant ministériel auprès de la Commission d’accès aux documents administratifs et du Défenseur des droits. »
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Deux questions :
Les différentes dispositions d’un correspondant au sein des pôles des affaires juridiques confortent-elle le principe de l’indépendance du Défenseur des droits ?
Le Défenseur des Droits [1] pourrait-il se trouver saisi d’une réclamation à l’encontre, par exemple, de la "délégation aux affaires juridiques auprès des ministres chargés des affaires sociales" ?
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[2].
[1] Comment abréger ? Le sigle ne serait pas joli : DD, Dd, Ddd ou DdD ?
[2] En aparté : Faut-il mettre des majuscules ? Quelle serait la distance entre un défenseur des droits, un Défenseur des droits et un Défenseur des Droits ? Le mot "défenseur" n’est pas affecté d’une sonorité suffisamment harmonieuse pour que la majuscule le pare d’une autorité autre que parcimonieuse. Quant aux droits, ne sont-ils pas les mêmes qu’ils disposent ou non une majuscule ? Les hiérarchisations entre le Défenseur et les adjoints-défenseurs sont déjà établies (LO n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits), celles entre les droits ne le sont pas encore...
La question de l’indépendance du Défenseur des droits ne devrait pas être posée. L’article 2 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 dispose : « Le Défenseur des droits, autorité constitutionnelle indépendante, ne reçoit, dans l’exercice de ses attributions, aucune instruction. / Le Défenseur des droits et ses adjoints ne peuvent être poursuivis, recherchés, arrêtés, détenus ou jugés à l’occasion des opinions qu’ils émettent ou des actes qu’ils accomplissent dans l’exercice de leurs fonctions. » Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2011-626 DC du 29 mars 2011, en a relevé les données. Incompatibilités et inéligibilités sont aussi précisées (LO n° 2011-410 du 14 avril 2011 relative à l’élection des députés et sénateurs).
Si, logiquement au vu de sa dénomination, le Défenseur des droits est chargé de « défendre les droits et libertés dans le cadre des relations avec les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes investis d’une mission de service public » (art. 4 1°), qui sont les titulaires de ces droits et libertés ? La loi reste incertaine sur ce point ; en effet, il ne suffit pas de prévoir que le Défenseur des droits peut être saisi « par toute personne physique ou morale qui s’estime lésée dans ses droits et libertés par le fonctionnement d’une administration de l’État, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public ou d’un organisme investi d’une mission de service public », pour que la question soit d’emblée résolue... - même si, en ce même article 4, les droits de l’enfant sont mentionnés (2°), la lutte contre les discriminations est confirmée (3°), le nécessaire respect d’une déontologie en matière de sécurité est rappelé (4°).