Le 18 juillet 2014, par Geneviève Koubi,
Les circulaires administratives connaissent désormais des ’révisions’... Plutôt que réécrire les circulaires antécédentes, les administrateurs, ministres ou directeurs de service, utilisent maintenant une méthode de rédaction spécifique qui consiste à intégrer dans une circulaire existante des ’modifications’ ou des ’précisions’.
De ce fait, la structure de la circulaire se transforme. Au risque de défaire le discours qu’elle porte de sa cohérence initiale. Au risque de brouiller le message, d’ébranler la forme informative ou la teneur interprétative que toute circulaire contient.
Tel est le cas de la circulaire n° 2014-089 du 9 juillet 2014 relative à la surveillance des élèves dans les écoles maternelles et élémentaires publiques en tant qu’elle s’attacherait à « rendre plus précise l’obligation de surveillance incombant aux enseignants ». Ce qu’elle prétend. Ce qu’elle ne fait pas.
Cette circulaire se borne à compléter la circulaire n° 97-178 du 18 septembre 1997 en deux points qui ne mettent nullement en exergue les positionnements des enseignants...
Ce modèle de renvoi à une circulaire existante ne répond nullement à la perspective annoncée lors de la création du site www.circulaires....gouv.fr de faciliter la consultation des circulaires, de les rendre accessibles à tout public. Car, outre le fait qu’il est nécessaire de se reporter à la circulaire précédente – et donc de la rechercher –, pour comprendre les modifications, ajouts et substitutions de termes, le format utilisé sur le site (en pdf) ne permet pas d’assurer un lien direct à cette dernière [1].
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Suivant ce modèle d’écriture peu intelligible, la lecture de la circulaire du 9 juillet 2014 devient perturbante. Alors que la circulaire du 18 septembre 1997 rappelle que « l’institution scolaire assume la responsabilité des élèves qui lui sont confiés », qu’il « en résulte une obligation de surveillance qui ne se limite pas à l’enceinte scolaire », que cette obligation « vaut pour l’ensemble des activités prises en charge par l’école qu’elles soient obligatoires ou facultatives et en quelque lieu qu’elles se déroulent », alors que cette circulaire de 1997 situe les finalités de cette obligation de surveillance de la part des enseignants et des directeurs des établissements scolaires en rappelant que l’institution scolaire doit « veiller à ce que les élèves ne soient pas exposés à subir des dommages et n’en causent pas à autrui », signifiant ainsi les « risques encourus en matière de responsabilité », notamment en cas d’accident, la circulaire du 9 juillet 2014 évacue la notion de responsabilité et se borne brièvement à lister les points de cette précédente circulaire qui font l’objet de ’modifications’.
Ainsi, le discours général relatif à l’obligation de surveillance est-il écarté pour ne signaler que les ’points’ modifiés. Points qui n’insistent que peu sur l’obligation de surveillance sauf à individualiser la question. Ces points sont signalés comme étant le « point I.1 "dispositions générales" » et le « point I.2 "Accueil et sortie des élèves lorsque les enseignements ont lieu dans les locaux scolaires" ».
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En ce qui concerne le point 1 des dispositions générales (§ I. de la première partie de la circulaire du 18 sept. 1997), la circulaire du 9 juillet 2014 présente les modifications de cette manière : « 1°) Au deuxième alinéa, les mots suivants sont ajoutés : « Lorsqu’un enfant a un comportement momentanément difficile, des solutions doivent être cherchées en priorité dans la classe, ou exceptionnellement et temporairement, dans une ou plusieurs autres classes. En tout état de cause, l’élève ne doit, à aucun moment, être laissé seul sans surveillance. / 2°) Au troisième alinéa, les mots : "Leur sécurité" sont remplacés par les mots : "La sécurité des élèves" ».
Pourtant, c’est par rapport à la phrase introductive de ce paragraphe 1 de la partie de la circulaire du 18 septembre 1997 qui définit « le champ de la surveillance », que se comprend la logique discursive de la circulaire. Cette phrase constitue le premier alinéa du point I.1 ’dispositions générales’ auquel se rapporte la circulaire de juillet 2014. Elle indique que « l’obligation de surveillance doit être exercée de manière effective et vigilante pendant la totalité du temps scolaire, c’est-à-dire pendant toute la durée au cours de laquelle l’élève est confié à l’institution scolaire ».
La modification opérée par la circulaire du 9 juillet 2014 consiste à ajouter à la phrase qui formait le deuxième alinéa de ce paragraphe relatif aux dispositions générales, une précision particulière qui en décompose le sens collectif - du moins tel qu’il ressortait de la circulaire de 1997.
Ce deuxième alinéa était ainsi rédigé en 1997 : « La surveillance est continue quelle que soit l’activité effectuée et le lieu où elle s’exerce. Ce service de surveillance s’exerce partout où les élèves ont accès, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur des locaux scolaires, dans les cours de récréation, les aires de jeux et autres lieux d’accueil ». Par la circulaire du 9 juillet 2014, il y est donc ajouté que : « Lorsqu’un enfant a un comportement momentanément difficile, des solutions doivent être cherchées en priorité dans la classe, ou exceptionnellement et temporairement, dans une ou plusieurs autres classes. En tout état de cause, l’élève ne doit, à aucun moment, être laissé seul sans surveillance. ».
Le passage du collectif à l’individuel s’effectue donc sans transition aucune. La cohérence générale du dispositif est ainsi brisée.
Et c’est sans doute pour essayer de limiter les conséquences de cette fêlure dans le discours de la circulaire que dans la phrase suivante doit être opérée la transformation signalée quand « leur » sécurité devient « la sécurité des élèves » : « La sécurité des élèves est constamment assurée soit par les enseignants, soit par des intervenants extérieurs lorsqu’un groupe d’élèves leur est confié après que les maîtres ont pris toutes les mesures garantissant la sécurité de leurs élèves … ».
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Pour ce qui concerne le deuxième temps de cette partie relative au champ de la surveillance, la circulaire du 9 juillet 2014 s’attache au deuxième point, celui sur les « accueil et sortie des élèves lorsque les enseignements ont lieu dans les locaux scolaires" » (dit ’point I.2’). Elle transforme une phrase en plusieurs phrases : « Au troisième alinéa, la phrase : "En cas de retard répété des parents, les enfants peuvent être temporairement exclus" est remplacée par les phrases suivantes : "En cas de négligence répétée des responsables légaux pour que leur enfant soit repris à la sortie de chaque classe aux heures fixées par le règlement intérieur, le directeur d’école leur rappelle qu’ils sont tenus de respecter les dispositions fixées par le règlement intérieur. Si la situation persiste, le directeur d’école engage un dialogue approfondi avec ceux-ci pour prendre en compte les causes des difficultés qu’ils peuvent rencontrer et les aider à les résoudre. La persistance de ces manquements et le bilan du dialogue conduit avec la famille peuvent l’amener à transmettre une information préoccupante au président du conseil général dans le cadre de la protection de l’enfance, selon les modalités prévues par les protocoles départementaux" ».
Quiconque n’aurait pas lu la circulaire du 18 septembre 1997 penserait qu’il existe une distance importante entre la question du « retard » et celle de la « sortie » des enfants. En réalité, il s’agit de signifier le retard des parents ou des responsables de l’enfant pour venir chercher leur enfant à la sortie de l’école maternelle. La nuance est d’importance !
Le paragraphe dans lequel est insérée la modification est ainsi rédigé dans la circulaire du 18 septembre 1997 : « Seuls les enfants de l’école maternelle sont remis directement aux parents ou aux personnes nommément désignées par eux par écrit, et présentées au directeur ou à l’enseignant. En cas de retard répété des parents, les enfants peuvent être temporairement exclus. Concernant la qualité et l’âge des personnes auxquelles peuvent être confiés les enfants de l’école maternelle à la sortie de la classe, aucune condition n’est exigée ». En fait, remplacer “En cas de retard répété des parents, les enfants peuvent être temporairement exclus” par un paragraphe complet visant les « cas de négligence répétée des responsables légaux » pour que leur enfant soit pris en charge « à la sortie de chaque classe aux heures fixées par le règlement intérieur » n’apporte que des précisions déjà données par ailleurs... Et là encore, la structuration de la circulaire n’apparaît plus aussi pertinente.
Les éléments qui ne concernent que l’école maternelle ne sont pas mis en évidence dans la circulaire du 9 juillet 2014. Si, en ce domaine, il s’agit principalement d’éviter que l’école maternelle se transforme en une garderie, la précision quant à l’obligation des parents de venir chercher leurs enfants ou de faire en sorte que quelqu’un vienne les chercher à la sortie de l’école revêt suffisamment d’importance sur le ’champ de la surveillance’ de la part des enseignants pour qu’il en soit fait état clairement !
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En quelque sorte, il aurait sans doute été plus avisé d’écrire une, voire deux, nouvelle/s circulaire/s qui, tout en se référant à la circulaire du 18 septembre 1997, aurai/en/t recomposé ces questionnements.
Serait-ce alors par simple paresse, par lassitude ou parce que l’envie de prendre des vacances s’accentue, que ce choix d’une modification d’une circulaire vieille de près de 20 ans a été fait ? Mieux vaut croire que les consignes quant à la lutte contre l’inflation textuelle ministérielle auraient été entendues...
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[1] Ce que Droit cri-TIC offre ici...