Le 21 novembre 2015, par Geneviève Koubi,
Puisque urgence il y avait, pas une minute n’a été perdue.
A peine adoptée tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions a été promulguée dans la foulée.
Elle signifie, en son article 1 que « l’état d’urgence déclaré par le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 et le décret n°2015-1493 du 18 novembre 2015 portant application outre-mer de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 est prorogé pour une durée de trois mois à compter du 26 novembre 2015 ». Les « douze jours » prévus légalement ont donc bel et bien été comptés « en sus ». Certes, l’article 3 prévoit qu’« il peut y être mis fin par décret en conseil des ministres avant l’expiration de ce délai », mais les réaménagements insérés dans la loi de 1955 sont loin d’être anodins...
Plutôt que ne lire que la version de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence ainsi publiée au Journal officiel du 21 novembre 2015, puisque sa modification intervient dès l’article 4 de cette loi du 20 novembre 2015 autant en connaître sa version « consolidée » [1].
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Loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence [2]
Art. 1 (mod. L. n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit) : « L’état d’urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain, des départements d’outre-mer, des collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique. »
Art. 2 (mod. Ord. n° 60-372 du 15 avril 1960 modifiant certaines dispositions de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence) : « L’état d’urgence est déclaré par décret en Conseil des ministres. Ce décret détermine la ou les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles il entre en vigueur. / Dans la limite de ces circonscriptions, les zones où l’état d’urgence recevra application seront fixées par décret. / La prorogation de l’état d’urgence au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi. »
Art. 3 (mod. Ord. n° 60-372 du 15 avril 1960) : « La loi autorisant la prorogation au-delà de douze jours de l’état d’urgence fixe sa durée définitive. »
Art. 4 (mod. Ord. n° 60-372 du 15 avril 1960) : « La loi portant prorogation de l’état d’urgence est caduque à l’issue d’un délai de quinze jours francs suivant la date de démission du Gouvernement ou de dissolution de l’Assemblée nationale. »
Art. 4-1 (créé par L. n° 2015-1501 du 20 novembre 2015) : « L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement pendant l’état d’urgence. Ils peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures. »
Art. 5 : « La déclaration de l’état d’urgence donne pouvoir au préfet dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription prévue à l’article 2 : / 1° D’interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté ; / 2° D’instituer, par arrêté, des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé ; / 3° D’interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics.
Art. 6 (mod. L. n° 2015-1501 du 20 novembre 2015) : « Le ministre de l’intérieur peut prononcer l’assignation à résidence, dans le lieu qu’il fixe, de toute personne résidant dans la zone fixée par le décret mentionné à l’article 2 et à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics dans les circonscriptions territoriales mentionnées au même article 2. Le ministre de l’intérieur peut la faire conduire sur le lieu de l’assignation à résidence par les services de police ou les unités de gendarmerie. / La personne mentionnée au premier alinéa du présent article peut également être astreinte à demeurer dans le lieu d’habitation déterminé par le ministre de l’intérieur, pendant la plage horaire qu’il fixe, dans la limite de douze heures par vingt-quatre heures. / L’assignation à résidence doit permettre à ceux qui en sont l’objet de résider dans une agglomération ou à proximité immédiate d’une agglomération. / En aucun cas, l’assignation à résidence ne pourra avoir pour effet la création de camps où seraient détenues les personnes mentionnées au premier alinéa. / L’autorité administrative devra prendre toutes dispositions pour assurer la subsistance des personnes astreintes à résidence ainsi que celle de leur famille. / Le ministre de l’intérieur peut prescrire à la personne assignée à résidence : / 1° L’obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, selon une fréquence qu’il détermine dans la limite de trois présentations par jour, en précisant si cette obligation s’applique y compris les dimanches et jours fériés ou chômés ; / 2° La remise à ces services de son passeport ou de tout document justificatif de son identité. Il lui est délivré en échange un récépissé, valant justification de son identité en application de l’article 1er de la loi n° 2012-410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l’identité, sur lequel sont mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution du document retenu. / La personne astreinte à résider dans le lieu qui lui est fixé en application du premier alinéa du présent article peut se voir interdire par le ministre de l’intérieur de se trouver en relation, directement ou indirectement, avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics. Cette interdiction est levée dès qu’elle n’est plus nécessaire. / Lorsque la personne assignée à résidence a été condamnée à une peine privative de liberté pour un crime qualifié d’acte de terrorisme ou pour un délit recevant la même qualification puni de dix ans d’emprisonnement et a fini l’exécution de sa peine depuis moins de huit ans, le ministre de l’intérieur peut également ordonner qu’elle soit placée sous surveillance électronique mobile. Ce placement est prononcé après accord de la personne concernée, recueilli par écrit. La personne concernée est astreinte, pendant toute la durée du placement, au port d’un dispositif technique permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation sur l’ensemble du territoire national. Elle ne peut être astreinte ni à l’obligation de se présenter périodiquement aux services de police et de gendarmerie, ni à l’obligation de demeurer dans le lieu d’habitation mentionné au deuxième alinéa. Le ministre de l’intérieur peut à tout moment mettre fin au placement sous surveillance électronique mobile, notamment en cas de manquement de la personne placée aux prescriptions liées à son assignation à résidence ou à son placement ou en cas de dysfonctionnement technique du dispositif de localisation à distance. »
Art. 6-1 (créé par L. n° 2015-1501 du 20 novembre 2015) : « Sans préjudice de l’application de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, sont dissous par décret en conseil des ministres les associations ou groupements de fait qui participent à la commission d’actes portant une atteinte grave à l’ordre public ou dont les activités facilitent cette commission ou y incitent. / Le maintien ou la reconstitution d’une association ou d’un groupement dissous en application du présent article ou l’organisation de ce maintien ou de cette reconstitution sont réprimés dans les conditions prévues aux articles 431-15 et 431-17 à 431-21 du code pénal. / Par dérogation à l’article 14 de la présente loi, les mesures prises sur le fondement du présent article ne cessent pas de produire leurs effets à la fin de l’état d’urgence. / Pour la prévention des actions tendant au maintien ou à la reconstitution des associations ou groupements dissous en application du présent article, les services spécialisés de renseignement mentionnés à l’article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure et les services désignés par le décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 811-4 du même code peuvent recourir aux techniques de renseignement dans les conditions prévues au livre VIII dudit code. »
Art. 7 (abrogé [3])
Art. 8 (mod. L. n° 2011-525 du 17 mai 2011) : « Le ministre de l’intérieur, pour l’ensemble du territoire où est institué l’état d’urgence, et le préfet, dans le département, peuvent ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature dans les zones déterminées par le décret prévu à l’article 2. / Peuvent être également interdites, à titre général ou particulier, les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre. »
Art. 9 (mod. L. n° 2015-1501 du 20 novembre 2015) : « Les autorités administratives désignées à l’article 8 peuvent ordonner la remise des armes et des munitions, détenues ou acquises légalement, relevant des catégories A à C, ainsi que celles soumises à enregistrement relevant de la catégorie D, définies à l’article L. 311-2 du code de la sécurité intérieure. Le représentant de l’État dans le département peut aussi, pour des motifs d’ordre public, prendre une décision individuelle de remise d’armes. / Les armes remises en application du premier alinéa du présent article donnent lieu à la délivrance d’un récépissé. Elles sont rendues à leur propriétaire en l’état où elles étaient lors de leur dépôt. »
Art. 10 (mod. L. n° 2015-1501 du 20 novembre 2015) : « La déclaration de l’état d’urgence s’ajoute aux cas prévus à l’article L. 1111-2 du code de la défense pour la mise à exécution des réquisitions dans les conditions prévues au livre II de la deuxième partie du même code. »
Art. 11 (mod. L. n° 2015-1501 du 20 novembre 2015) : « - I. - Le décret déclarant ou la loi prorogeant l’état d’urgence peut, par une disposition expresse, conférer aux autorités administratives mentionnées à l’article 8 le pouvoir d’ordonner des perquisitions en tout lieu, y compris un domicile, de jour et de nuit, sauf dans un lieu affecté à l’exercice d’un mandat parlementaire ou à l’activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes, lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics. / La décision ordonnant une perquisition précise le lieu et le moment de la perquisition. Le procureur de la République territorialement compétent est informé sans délai de cette décision. La perquisition est conduite en présence d’un officier de police judiciaire territorialement compétent. Elle ne peut se dérouler qu’en présence de l’occupant ou, à défaut, de son représentant ou de deux témoins. / Il peut être accédé, par un système informatique ou un équipement terminal présent sur les lieux où se déroule la perquisition, à des données stockées dans ledit système ou équipement ou dans un autre système informatique ou équipement terminal, dès lors que ces données sont accessibles à partir du système initial ou disponibles pour le système initial. Les données auxquelles il aura été possible d’accéder dans les conditions prévues au présent article peuvent être copiées sur tout support. / La perquisition donne lieu à l’établissement d’un compte rendu communiqué sans délai au procureur de la République. / Lorsqu’une infraction est constatée, l’officier de police judiciaire en dresse procès-verbal, procède à toute saisie utile et en informe sans délai le procureur de la République. / Le présent I n’est applicable que dans les zones fixées par le décret prévu à l’article 2. // II. - Le ministre de l’intérieur peut prendre toute mesure pour assurer l’interruption de tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie. »
Art. 12 (abrogé [4])
Art. 13 (mod. L. n° 2015-1501 du 20 novembre 2015) : « Les infractions aux articles 5, 8 et 9 sont punies de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende. / Les infractions au premier alinéa de l’article 6 sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. / Les infractions au deuxième et aux cinq derniers alinéas du même article 6 sont punies d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. / L’exécution d’office, par l’autorité administrative, des mesures prescrites peut être assurée nonobstant l’existence de ces dispositions pénales. »
Art.14 (mod. L. n° 2015-1501 du 20 novembre 2015) : « Les mesures prises en application de la présente loi cessent d’avoir effet en même temps que prend fin l’état d’urgence. »
Art. 14-1 (créé par L. n° 2015-1501 du 20 novembre 2015) : « A l’exception des peines prévues à l’article 13, les mesures prises sur le fondement de la présente loi sont soumises au contrôle du juge administratif dans les conditions fixées par le code de justice administrative, notamment son livre V. »
Art. 15 (rétabli par L. n° 2015-1501 du 20 novembre 2015) : « La présente loi, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions, est applicable sur l’ensemble du territoire de la République. »
Art. 16 (abrogé par L. n°2011-525 du 17 mai 2011)
Art. 17 (mod. L. n° 2015-1501 du 20 novembre 2015) : « Pour l’application de la présente loi : / a) A Mayotte : 1° La référence au département est remplacée par la référence à Mayotte ; 2° La référence au préfet est remplacée par la référence au représentant de l’État à Mayotte ; 3° A l’article 5, les mots : " dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription prévue à l’article 2 " sont remplacés par les mots : " lorsque Mayotte est compris en tout ou partie dans une circonscription prévue à l’article 2 " ; / b) A Saint-Barthélemy : 1° La référence au département est remplacée par la référence à Saint-Barthélemy ; 2° La référence au préfet est remplacée par la référence au représentant de l’Etat à Saint-Barthélemy ; (3° suppr.) ; 4° A l’article 5, les mots : " dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription prévue à l’article 2 " sont remplacés par les mots : " lorsque Saint-Barthélemy est compris en tout ou partie dans une circonscription prévue à l’article 2 " ; / c) A Saint-Martin : 1° La référence au département est remplacée par la référence à Saint-Martin ; 2° La référence au préfet est remplacée par la référence au représentant de l’État à Saint-Martin ; (3° suppr.) ; 4° A l’article 5, les mots : " dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription prévue à l’article 2 " sont remplacés par les mots : " lorsque Saint-Martin est compris en tout ou partie dans une circonscription prévue à l’article 2 " ; / d) A Saint-Pierre-et-Miquelon : 1° La référence au département est remplacée par la référence à Saint-Pierre-et-Miquelon ; (2° suppr.) ; 3° A l’article 5, les mots : " au préfet dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription prévue à l’article 2 " sont remplacés par les mots : " au préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon, lorsque Saint-Pierre-et-Miquelon est compris en tout ou partie dans une circonscription prévue à l’article 2 " ; / e) Dans les îles Wallis et Futuna : 1° La référence au département est remplacée par la référence aux îles Wallis et Futuna ; 2° La référence au préfet est remplacée par la référence à l’administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna ; (3° suppr.) ; 4° A l’article 5, les mots : " dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription prévue à l’article 2 " sont remplacés par les mots : " lorsque les îles Wallis et Futuna sont comprises en tout ou partie dans une circonscription prévue à l’article 2 " ; / f) En Polynésie française : 1° La référence au département est remplacée par la référence à la Polynésie française ; 2° La référence au préfet est remplacée par la référence au haut-commissaire de la République en Polynésie française ;(3° suppr.) ; 4° A l’article 5, les mots : " dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription prévue à l’article 2 " sont remplacés par les mots : " lorsque la Polynésie française est comprise en tout ou partie dans une circonscription prévue à l’article 2 " ; / g) En Nouvelle-Calédonie : 1° La référence au département est remplacée par la référence à la Nouvelle-Calédonie ; 2° La référence au préfet est remplacée par la référence au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie ; (3° suppr.) ; 4° A l’article 5, les mots : " dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription prévue à l’article 2 " sont remplacés par les mots : " lorsque la Nouvelle-Calédonie est comprise en tout ou partie dans une circonscription prévue à l’article 2 ". »
[1] ici, par Droit cri-TIC.
[2] Cf. Version dite consolidée au 21 novembre 2015....
[3] Il avait été modifié par la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral et disposait : « Toute personne ayant fait l’objet d’une des mesures prises en application de l’article 5 (3°), ou de l’article 6 peut demander le retrait de cette mesure. Sa demande est soumise à une commission consultative comprenant des délégués du conseil départemental désignés par ce dernier. / La composition, le mode de désignation et les conditions de fonctionnement de la commission seront fixés par un décret en Conseil d’État. / Les mêmes personnes peuvent former un recours pour excès de pouvoir contre la décision visée à l’alinéa 1er ci-dessus devant le tribunal administratif compétent. Celui-ci devra statuer dans le mois du recours. En cas d’appel, la décision du Conseil d’État devra, intervenir dans les trois mois de l’appel. / Faute par les juridictions ci-dessus d’avoir statué dans les délais fixés par l’alinéa précédent, les mesures prises en application de l’article 5 (3°) ou de l’article 6 cesseront de recevoir exécution ».
[4] Cet article conférait à la juridiction militaire des pouvoirs spécifiques pour se saisir de crimes ou délits...