Le 9 mars 2010, par Geneviève Koubi,
17 organisations de magistrats et personnels pénitenciers appellent à la grève pour la journée du 9 mars 2010.
Magistrats de toutes juridictions (judiciaire, administrative et financière), avocats, greffiers, fonctionnaires de justice, personnel pénitentiaire, éducateurs de la Protection Judiciaire de la Jeunesse vont donc manifester ensemble ce mardi 9 mars 2010 dans les rues de Paris, du palais de justice de Paris au ministère de la Justice.
Tous demandent des moyens supplémentaires pour faire fonctionner le système judiciaire le plus pauvre d’Europe. La vingtaine d’organisations syndicales du monde judiciaire, qui appellent à la mobilisation mardi 9 mars, soulignent d’ailleurs que le Conseil de l’Europe classe la France pour son effort en faveur de la Justice au 35e rang sur 43.
L’appel à manifester se focalise aussi sur la réforme de la procédure pénale lancée par la ministre de la Justice. Et notamment sur la suppression programmée du juge d’instruction. Les magistrats soupçonnent le pouvoir de vouloir mettre les juges sous tutelle et d’étouffer ainsi les affaires les plus sensibles. « Ce projet de réforme, (...) condamné par une majorité des Français et par le Conseil de l’Europe, apparaît comme une volonté du pouvoir politique de contrôler les affaires sensibles ou gênantes pour le gouvernement », remarquent-ils.
Le Syndicat de la magistrature note que l’architecture de "l’avant-projet du futur code de procédure pénale" (qui comporte 730 articles [1]) est « conforme aux craintes exprimées par l’écrasante majorité du monde judiciaire, ainsi que par de nombreux citoyens et parlementaires : à un parquet plus soumis et omniprésent que jamais sont censés faire face, chacun dans son rôle d’intermittent précaire, un nouveau juge à tout faire - surtout ce qu’on lui demande - baptisé "juge de l’enquête et des libertés" (JEL) et une défense dont le destin s’apparente décidément à celui d’un alibi procédural. » De fait, ce texte consacre l’appropriation policière du processus pénal. Les officiers de police judiciaire se verront chargés de la quasi-totalité des auditions des personnes mises en cause, y compris parfois de "l’interrogatoire de notification de charges" (mise en examen) et des interrogatoires postérieurs à cette notification (Ces fonctions relevent actuellement de celles réalisées par les juges d’instruction). « La séparation entre les phases policière et judiciaire vole ainsi en éclats, au péril de la qualité des procédures et d’une réelle direction d’enquête par l’autorité judiciaire. »
Magistrats et avocats considèrent aussi que ce projet met à mal l’égalité des citoyens devant la Justice et son fonctionnement. En effet, ils constatent que le budget de l’aide juridictionnelle "diminue d’année en année alors que les demandes augmentent" et que les "effectifs de magistrats et de fonctionnaires sont de plus en plus réduits au point d’enrayer le fonctionnement décent de la Justice". « En raison de budgets insuffisants et de règles budgétaires strictes, de nombreuses cours d’appel françaises ne peuvent plus payer depuis plusieurs mois des frais tels que les expertises civiles ou pénales, des indemnités de jurés ou des mesures d’enquêtes comme des reconstitutions... »
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Or, comme cela est de tradition depuis quelques années, c’est au début de l’été que le projet de réforme de la procédure pénale devrait être présenté au Parlement...
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sources : RFI, AFP, Reuters, France-info, Syndicat de la magistrature