Le 18 avril 2011, par Geneviève Koubi,
C’est seulement trois mois après le début de l’année que paraît la circulaire du 2 avril 2011 relative aux orientations du ministère de l’intérieur en matière de lutte contre les dérives sectaires pour 2011.
Cette circulaire s’appuie, pour déterminer le cadre juridique de l’action à mener, sur deux autres circulaires : la circulaire du 27 mai 2005 relative à la lutte contre les dérives sectaires et la circulaire du 25 février 2008, elle aussi relative à la lutte contre les dérives sectaires. Aucune des deux n’est enregistrée sur le site "circulaires.gouv.fr".
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Mais, la première, émanant du Premier ministre, et en dépit des développements jurisprudentiels récents, est publiée au Journal officiel du 1er juin 2005,donc elle devrait, en tout état de cause, demeurer applicable ; elle constitue donc bien une référence valide.
En revanche, la seconde, publiée au BOMI n° 2, 2008 (p. 15), ne le serait plus. Néanmoins, elle offre de substantielles informations sur la notion de secte comme sur l’idée de dérives sectaires. Elle ne concerne pas directement des administrés et délivre simplement des références juridiques [1] et des consignes à l’endroit des préfets. Elle n’aurait peut-être de qualité ni opposable, ni invocable : « Les textes et la jurisprudence mettent ... à la disposition des pouvoirs publics un arsenal juridique suffisant pour sanctionner les dérives sectaires. /La difficulté tient dès lors à la mise en œuvre de ce dispositif juridique... ».
Est également citée, sans que l’intitulé ni la date ne soient mentionnés, la circulaire de la DACG du 7 septembre 2009 relative aux états-majors de sécurité, elle aussi non postée sur le site des circulaires, et publiée au BOJ d’octobre 2009. La question du maintien de sa validité ne se pose pas : elle ne comporte pas de normes dont pourrait se prévaloir un administré, sauf à penser que la participation à des réunions organisés par ces états-majors de sécurité relèverait d’un droit [2].
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Dans la circulaire du 2 avril 2011 informant sur les orientations du ministère de l’intérieur, quatre axes sont ainsi fixés :
1. Le maintien des dispositifs de soutien opérationnel, notamment de la cellule d’assistance et d’intervention en matière sectaire (au sein de l’office central pour la répression des violences aux personnes), est rappelé ; ces dispositifs aident au repérage des éléments constitutifs de la sujétion et l’emprise mentale ;
2. La réalisation des réunions du groupe de travail sur les dérives sectaires prévu par la circulaire de 2008 doit être effective ; une simple évocation du problème posé par les sectes lors d’une réunion générale ne suffit pas. C’est à ce propos que la référence à la circulaire du 7 septembre 2009 se comprend. Concernant principalement la lutte contre la délinquance, cette circulaire impose une réunion mensuelle d’un « état-major de sécurité » sous l’autorité conjointe du préfet et du procureur de la République et « adossé au comité départemental de sécurité », cet état-major en constitue « l’organe opérationnel » ; y sont conviés « les responsables de la police et de la gendarmerie nationales, l’inspecteur d’académie, le directeur des impôts, et le directeur des douanes. Selon les thèmes abordés, d’autres acteurs de la sécurité (bailleurs sociaux, transporteurs publics...) peuvent y être ponctuellement associés. » Comme une mobilisation réelle contre les dérives sectaires est demandée, l’écoute attentive des associations engagées dans cette lutte, pensées ainsi en "acteurs de la sécurité", peut se réaliser à l’occasion des réunions de cet "état-major". En fait, telle est la principale innovation qu’introduit la circulaire du 2 avril 2011 dans le schéma de la lutte contre les dérives sectaires, - ce qui n’est pas anodin ! ;
3. Un renforcement des liens avec les acteurs de la société civile qui seraient concernés par cette question [3] dont relèvent justement ces associations, est fortement sollicité - ce qui s’entendrait désormais dans le cadre ainsi désigné de la "sécurité"... ;
4. La nécessité de maintenir les liens avec la MIVILUDES est rappelée au titre de leur qualité "interministérielle".
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La circulaire du 2 avril 2011 n’apporte donc qu’une seule orientation nouvelle : l’introduction de la thématique du phénomène sectaire dans le cadre de la "sécurité" et, subséquemment, de la lutte contre la délinquance - bien plus que, comme voudraient le faire accroire bien des discours, dans celui du soutien et de l’assistance aux victimes...
La rhétorique de la répression deviendrait-elle donc bien une des marques principales des dispositifs administratifs ?
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