Le 20 juin 2015, par Vida Azimi,
Qui ne connaît l’auteur du Rouge et le Noir, de la Chartreuse de Parme et d’autres grands romans de la littérature française, le concepteur de l’égotisme ? Ses Mélanges de Politique et d’histoire [1] nous révèlent d’autres facettes de sa personnalité complexe et politique. Ils ont été déterrés par Henri Martineau en 1933, à partir des manuscrits conservés à Grenoble. Ce sont des fragments qui méritent d’être exhumés pour une meilleure connaissance de tous.
L’auteur d’un étrange et méticuleux projet d’école d’administration, ébauché deux fois, le 24 mai 1814 et le 4 mai 1817, désigné sous le titre du « Collège des pairs » [2], n’a pas manqué de s’adresser, en guise d’éloge, directement aux étudiants, en quelques lignes inachevées et valables surtout pour nos temps prosaïquement utilitaires où la perception des hautes études a transformé l’université humaniste en un « studio de l’inutilité » (Simon Leys). A la veille de l’été, rappelons donc son message qui détonne avec les discours actuels.
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« À Messieurs Les Étudiants en Droit et en Médecine À Paris [3]
Paris, le 15 juillet 1825
Je me dénonce à la brillante jeunesse qui fréquente les cabinets de lecture de la rue de l’Odéon, le café Molière, où l’on va admirer des yeux si beaux et brillants ; le tranquille Luxembourg où sans être indiscret, on peut suivre une conversation qui a lieu à vingt pas de vous. J’ai fréquenté tous ces lieux-là pour étudier l’esprit des quatre ou cinq mille jeunes gens que, tous les ans, la province envoie à Paris. C’est avec un diplôme d’avocat ou de médecin qu’ils quittent Paris au bout de quelques années. Si ces jeunes gens n’étaient que des médecins ou des avocats, je ne m’occuperais guère d’eux ; ils sont, dans le fait, les apôtres de la civilisation. C’est pour cela que j’ai consacré deux mois à les étudier, et que ma tête à cheveux blancs a paru si souvent au milieu du parterre de l’Odéon, si peuplé le dimanche… » [4].
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A l’heure de la décadence flagrante des civilisations, l’on pressent ce que Stendhal ressent, à défaut d’une signification expresse de sa part.
[1] Stendhal, Mélanges de politique et d’histoire, établissement du texte et préfaces par Henri Martineau, éd. Le Divan, Paris, MCMXXXIII, vol.1.
[2] ibid. p.73. Cité par Guy Thuillier faisant l’historique des projets d’école d’administration.
[3] Ibid. p. 197-198.
[4] Expression soulignée par moi