Le 21 octobre 2009, par Geneviève Koubi,
Le Président de la République a donc, à l’occasion d’un déplacement en province le 20 octobre 2009, dévoilé les grandes lignes de son projet de réforme territoriale.
Auparavant, dans une lettre ouverte adressée aux élus de sa région, le président du Conseil régional de Champagne-Ardenne avait, au 19 octobre 2009, fait état de la nécessité de cette réforme des collectivités territoriales tout en relevant certaines incohérences quant aux orientations précises d’un projet présidentiel : « Qu’il faille simplifier les organisations, clarifier les compétences, apporter plus de transparence dans l’exercice démocratique de nos fonctions, qu’il faille gagner en efficacité pour être plus performants dans la mise en oeuvre des politiques publiques dont nos concitoyens ont besoin, est une évidence. Les élus locaux responsables s’en préoccupent quotidiennement. Chaque collectivité a sa place, qu’il s’agisse des communes, des communautés de communes, des départements et des régions. » En revanche, ajoute-t-il : « Alors qu’il faut simplifier, je conteste l’intérêt de la réforme d’un système électoral qui va mélanger les conseillers régionaux et les conseillers généraux et s’engage dans la confusion. »
Cette perception est partagée par de nombreux observateurs de la vie publique locale. L’annonce par le Président de la République des grandes lignes de la réforme suscitait déjà sur le site "Drôle-d’en-Droit", quelques réflexions sur l’illisibilité du projet. Une certaine réserve est de mise face à la présentation de la réforme envisagée par la parole présidentielle : « Qu’on en juge : des conseillers qui représentent deux types de collectivités, pour gérer des aires géographiques caviardées par des "zones franches" d’agglomération... et un mode de scrutin pour prendre tout le monde par surprise, au moins la première fois. Les réelles intentions sont sans doute à chercher ailleurs que dans la rationalisation de la gestion territoriale. » Le prétexte de la "simplification administrative" est donc, à droite comme à gauche, assez mal reçu.
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En ce 21 octobre 2009, lors du Conseil des ministres, le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales a, avec le secrétaire d’Etat à l’intérieur et aux collectivités territoriales, présenté le projet de réforme des collectivités territoriales. Comme annoncé, quatre projets de loi distincts sont associés dans ce même mouvement de refonte des équilibres administratifs territoriaux ; or, ces quatre textes s’entendent essentiellement comme poursuivant une vision politique des compétences locales. Cette division par ’petites touches’ d’une même démarche réformatrice montre combien l’enjeu de la réforme est plus de brider les pouvoirs locaux que recomposer les stratégies de politique administrative et les actions citoyennes de proximité. On trouve donc : 1. un projet de loi organique relatif à l’élection des membres des conseils des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale ; 2. un projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale ; 3. un projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux ; 4. un projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
Dans le communiqué du Conseil des ministres du 21 octobre 2009, c’est le projet de loi de réforme des collectivités territoriales qui est le premier exposé. Un tel positionnement est logique... mais trompeur. Ce projet rassemble une série de mesures dont on peut poser la question des conséquences qu’elle emporterait sur le modèle républicain (rapport de solidarité territoriale et tissu social) dès lors que les modalités électorales transforment leur configurations et leurs figurations.
« Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales renouvelle en profondeur l’architecture institutionnelle locale. Il institue un nouvel élu local dénommé "conseiller territorial", qui remplacera les actuels conseillers généraux et régionaux. Ces nouveaux élus, moins nombreux mais avec une légitimité et une visibilité renforcées, siégeront au sein de l’organe délibérant de chacune de ces deux collectivités. Ils seront ainsi porteurs d’une vision à la fois départementale et régionale du développement des territoires. Le projet de loi développe et simplifie par ailleurs l’intercommunalité afin de parvenir au 1er janvier 2014 à une couverture de l’ensemble du territoire par des structures intercommunales mais également à un renforcement de la cohérence des périmètres des établissements publics de coopération intercommunale. Un nouveau dispositif de fusion de communes remplacera la loi du 16 juillet 1971 sur les fusions et les regroupements de communes dite "loi Marcellin". Afin d’assurer une meilleure prise en compte du fait urbain et de renforcer la capacité des plus grandes agglomérations françaises à soutenir la compétition avec leurs homologues européennes ou internationales, le projet de loi propose un nouveau cadre institutionnel : la "métropole". Le texte fixe par ailleurs le principe de la spécialisation de l’action des départements et des régions et précise les conditions dans lesquelles les compétences des collectivités locales seront clarifiées et les mécanismes de cofinancement encadrés par une loi ultérieure. » Aucune allusion n’est faite là aux questions fiscales, essentielles pour une administration locale effective, alors même que le projet de loi de finances a programmé la suppression de la taxe professionnelle ... (laquelle était due par les entreprises. Mais ont-elles vraiment besoin de ce cadeau supplémentaire ?).
Les autres projets concernent les questions électorales. C’est ainsi que l’on comprend que ces questions sont en fait les moteurs principaux de la réforme envisagée. Un seul texte est prévu pour remanier l’ensemble des structures territoriales, défaire les collectivités locales de leurs compétences et reconstituer des territoires dépourvus d’ancrage culturels et sociaux. Si les transferts de compétence en paraissent que plus difficiles ce n’est qu’illusion : l’objectif est la recentralisation, la prise en main de tous les lieux dans lesquels quelques pouvoirs pourraient être exercés en ’résistance’ à une autorité étatique de plus en plus affirmée. En effet, il faut trois projets pour résoudre la question des élections. Ces trois autres projets de loi sont pour le 1er relatif à l’élection des membres des conseils des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale ; pour le 2ème relatif à l’élection des conseillers territoriaux, pour le 3ème relatif à la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.
A propos du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale le communiqué annonce simplement que les conseillers territoriaux, dont la première élection est prévue en mars 2014 « seront élus pour six ans, dans le cadre traditionnel du canton, selon un scrutin mixte comprenant : -pour 80 % d’entre eux, une élection au scrutin uninominal majoritaire à un tour ; -une répartition proportionnelle au plus fort reste des 20 % de sièges restants, en fonction des suffrages obtenus au scrutin majoritaire par les candidats affiliés à des listes et non élus. Les listes, distinctes de ces candidats, doivent être présentes dans tous les départements de la région et dans au moins la moitié des cantons de la région. » Pour légitimer le choix de ces modalités électorales, le ministre a trouvé bon de se référer à un "maître" du droit public, puisqu’il prétend que ce mode de scrutin « s’inspire de l’un des systèmes envisagés par le rapport du doyen Vedel de février 1993 ».
Certes, le communiqué du Conseil des ministres du 21 octobre 2009 est plus prolixe sur ce point tant il est nécessaire au gouvernement de "convaincre" du bien fondé des choix réalisés... Ceci est effectivement l’un des embarras auquel il lui faudra faire face, aussi le « troisième projet de loi tire les conséquences de la création du conseiller territorial en organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux en mars 2014. Le mandat des conseillers régionaux élus les 14 et 21 mars prochains sera donc de quatre ans et celui des conseillers généraux élus en mars 2011 de trois ans ». Dans ce cadre, « le projet de loi organique relatif à l’élection des membres des conseils des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale modifie quelques dispositions du code électoral pour tirer les conséquences de la création des conseillers territoriaux et du nouveau mode d’élection des délégués communautaires. »
Dans une perspective électoraliste, tout se tient. La réforme des collectivités territoriales n’est donc qu’un prétexte...
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Mais, suivant ce schéma, comment parler de vie publique locale pour demain ?
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