Le 5 janvier 2012
Des fleurs pour oublier la morosité ambiante ? Une chanson est-elle en instance de se répandre dans les cours de récréation à l’école : “Savez-vous planter des fleurs, à la mode, à la mode, savez-vous planter des fleurs, à la mode de la rigueur ?”
En effet, insérée dans le premier bulletin officiel du ministère de l’éducation nationale de l’année 2012, une note de service n° 2011-231 du 16 décembre 2011 informe sur l’existence du concours des écoles fleuries 2011-2012 — en quelques phrases répétées plusieurs fois par ailleurs sur des sites web partenaires.
Ce concours, ouvert aux écoles et aux établissements scolaires de l’enseignement public du premier degré « est destiné à valoriser les activités de fleurissement et de jardinage liées à l’aménagement intérieur et extérieur des écoles ou établissements, à condition qu’elles soient réalisées essentiellement par les élèves. » Cette condition est inscrite en caractère gras dans le texte de la circulaire.
Elle n’exclut évidemment pas la conduite de ces activités par un enseignant, un référent... ce d’autant plus que « le fleurissement et le jardinage doivent être compris comme une activité d’éveil interdisciplinaire permettant l’acquisition par les élèves de connaissances et de compétences dans les domaines artistique, scientifique, civique et social en lien avec le socle commun. » A l’école, rien n’échappe donc au formatage recomposé de la créativité dans les ’bilans de compétences’ ! Il est même précisé que ces activités d’éveil « peuvent s’inscrire dans une démarche coopérative qui valorise l’autonomie et l’initiative des élèves, dans un esprit d’éducation civique. »
Ces activités de fleurissement ont alors une autre dimension, plus générale, celle de contribuer « à l’ouverture de l’école ou de l’établissement sur son environnement. » Car les écoles doivent « inscrire les activités de fleurissement et de jardinage dans un projet d’éducation au développement durable ». Faut-il alors réfléchir au réchauffement de la planète en posant à chaque fenêtre un grand pot de cactus en fleur ou de genre Schlumbergera ? Le nouveau prix spécial dont le titre est « développement durable », en caractère gras dans le texte, s’attachera donc à distinguer les « projets exemplaires ». On finit bien par comprendre que le mot exemplaire ne signifie pas irréprochable, mais simplement, aux yeux des pouvoirs publics, "bon pour l’environnement" [1]. De fait, la note s’inspire du règlement du concours. Les objectifs sont ainsi exposés à l’article 3 : « L’éveil au développement durable guidera l’aspect des plantations, les efforts de propreté et d’embellissement. L’intérêt éducatif et la démarche pédagogique devront être pris en compte. Le fleurissement et le jardinage doivent être compris comme une activité d’éveil interdisciplinaire intégrée dans le projet d’école et d’établissement à la fois esthétique, scientifique, civique et sociale. Ainsi l’appréciation des travaux portera sur les réalisations, l’approche interdisciplinaire, l’investissement réel des élèves, la dimension citoyenne du projet (compost, gestion de l’eau, tri sélectif, biodiversité, écosystèmes). »
Ce concours des écoles fleuries pour 2012 prévoit, « pour la première fois, un prix spécial "Europe" », ce, à titre expérimental. Une coopération avec des écoles étrangères, jouant des échanges de correspondance entre les élèves, permettrait ainsi « un partage linguistique et culturel sur le jardinage, la botanique et le développement durable. » Ce serait peut-être en retenant la racine grecque ou romaine ou le ’nom latin’ des fleurs ?! Et il resterait encore à savoir si les oeillets de Chine, pervenches de Madagascar, liserons de Mauritanie, violettes du Canada, etc. seront admis au séjour...
Le concours des écoles fleuries se conduit en plusieurs étapes : les candidatures se réalisent à partir des projets menés lors de l’année scolaire écoulée ; ces projets « sont d’abord récompensés à l’échelon départemental. Les meilleurs d’entre eux sont sélectionnés, par la suite, au niveau national. » Un compte rendu de visite du jury départemental et une fiche d’identification du dossier doivent être joints à l’envoi pour ce niveau. Le document illustré, établi par la classe, l’école ou l’établissement, en guise de compte rendu des travaux doit encore répondre à des dimensions précises (maxima 50 x 65 cm ; maximum 5 kg ) et tous ses feuillets doivent être solidement reliés en un seul dossier, les photos et dessins bien fixés [2]. De la réalisation in situ ou du dossier présenté on se demandera ce qui sera le plus important...
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NB : Les prix nationaux seront remis dans le courant du mois de janvier 2013.
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[1] D’ailleurs, telle est l’orientation de bien d’autres circulaires relatives à l’Etat exemplaire, v. par ex., Gk, « Plan Administration Exemplaire ? Réduire la facture ! » ; v. plus sûrement, J.-F. Boudet, « L’administration exemplaire ».
[2] Cf. art. 4 du règlement du concours...