Le 2 mai 2014, par Geneviève Koubi,
La mise en musique de l’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales commence... [1]
Déjà, un décret n° 2014-309 du 7 mars 2014 instituait un médiateur des normes applicables aux collectivités territoriales... pour une année [2]. Le problème soulevé par la prolifération des normes et par leur intensité n’est donc pas anodin dans une République dont l’organisation se voudrait "décentralisée".
Maintenant, le décret n° 2014-446 du 30 avril 2014 portant application de la loi n° 2013-921 du 17 octobre 2013 portant création d’un Conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics ajoute à la partie réglementaire du Code général des collectivités territoriales un chapitre III au titre Ier du livre II de la première partie en modifiant l’intitulé de ce titre Ier : « Le comité des finances locales et le Conseil national d’évaluation des normes » [3].
Ainsi, « le Conseil national d’évaluation des normes se compose de trente-six membres, élus ou désignés pour trois ans » (art. R. 1213-1, al. 1). Le détail de la composition de ce Conseil invite ainsi à rassembler les articles L. 1212-1 II et R. 1213-2 et suivants (qui déterminent les modalités de l’élection des représentants des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre [4]) [5].
Aussi bien l’examen des projets de normes [6] que l’évaluation des normes réglementaires en vigueur sont détaillés.
En ce qui concerne l’évaluation des normes réglementaires en vigueur, l’article R. 1213-29 revêt un certain intérêt [7] : « Le Gouvernement ainsi que, dans les conditions fixées au présent article, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre peuvent saisir le conseil national d’une demande d’évaluation de normes réglementaires en vigueur applicables à ces collectivités et établissements publics. /Pour être recevable, une demande d’évaluation émanant des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre doit porter sur des dispositions clairement identifiées d’une même norme réglementaire. /Cette demande doit en outre être présentée par au moins : - soit cent maires et présidents d’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ; - soit dix présidents de conseil général ; - soit deux présidents de conseil régional. / (...) / La demande d’évaluation, adressée au secrétariat du conseil national, comprend : une copie de la norme réglementaire dont l’évaluation est demandée, l’objet de la demande d’évaluation, ses motifs précisément étayés ainsi que, le cas échéant, des propositions d’adaptation ou de réforme. Ces éléments sont renseignés dans une fiche d’impact dont le contenu est défini par le règlement intérieur du conseil national./ Le secrétariat du conseil national accuse réception de la demande. » — Ce, outre le fait qu’il « peut se saisir lui-même de ces normes » [8].
Cette disposition n’est que fonctionnelle. Elle permet de réguler les réclamations relatives aux normes réglementaires applicables en exigeant de la part des demandeurs locaux des conclusions adéquates et des propositions de solution en termes "d’adaptation ou de réforme". Une demande de "retrait" d’un texte réglementaire ne serait donc pas recevable...
Ces dispositions doivent alors être croisées avec les précisions législatives selon lesquelles le conseil national peut être saisi d’une demande d’évaluation concernant des normes réglementaires aussi bien lorsqu’elles sont à l’état de projet que lorsqu’elles sont en vigueur. De ce fait, la question se poserait de savoir si, alors qu’il aurait été saisi à propos d’un projet de texte réglementaire créant ou modifiant des normes qui sont applicables aux collectivités et aurait ainsi rendu un avis, le Conseil national pourrait être saisi du texte qui en ressortirait, dès lors en vigueur...
Par ailleurs, bien des normes réglementaires en vigueur sont dépendantes pour leur application aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics de discours et de textes qui ne disposent pas d’une qualité juridique assurée. il est possible de citer dans ce cadre les chartes, les circulaires, les consignes publiées sur des sites internet officiels, les référentiels, etc. Ce sont des énoncés qui peuvent tout autant ajouter des règles et des normes auxquelles les collectivités locales doivent se référer. Mais ils n’entrent pas dans le champ ainsi défini. Pourtant, dans les enjeux d’une administration numérique, en considérant les procédures de dématérialisation touchant notamment aux relations entre État et collectivités territoriales, ces aspects ne devraient-ils pas être évoqués ?
L’examen effectué par le Conseil national ne se réalise pas suivant des questions de légalité, ni d’opportunité, mais essentiellement en tenant compte de la progression des données financières et techniques [9] - encore que la particularité ’technique’ devrait inclure les évolutions technologiques. Tant le décret que la loi insistent sur ce point. Ainsi, selon l’article L. 1212-2 V. CGCT, « le conseil national examine les évolutions de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics et évalue leur mise en œuvre et leur impact technique et financier au regard des objectifs poursuivis. / Le conseil national peut proposer, dans son avis d’évaluation, des mesures d’adaptation des normes réglementaires en vigueur qui sont conformes aux objectifs poursuivis si l’application de ces dernières entraîne, pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, des conséquences matérielles, techniques ou financières manifestement disproportionnées au regard de ces objectifs. / L’avis rendu par le conseil national sur des dispositions réglementaires en vigueur peut proposer des modalités de simplification de ces dispositions et l’abrogation de normes devenues obsolètes. »
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Dès lors, il ne s’agit pas vraiment d’une évaluation des normes réglementaires mais bien d’une évaluation de leur mise en œuvre...
Ce qui transforme radicalement la perspective.
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[1] Pour actualisation - Cours : Droit des collectivités territoriales.
[2] V. D. du 11 mars 2014 portant nomination du médiateur des normes applicables aux collectivités territoriales.
[3] V. sur Le courrier des maires : « Les exécutifs locaux pourront saisir directement le futur Conseil national d’évaluation des normes ».
[4] En précisant, à l’article R. 1213-6 qu’« aucun candidat ne peut figurer sur plusieurs listes au titre de la représentation de catégories de collectivités territoriales ou d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre différentes. »
[5] V. Arr. 30 avr. 2014 relatif à l’élection des représentants des régions, des départements, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au Conseil national d’évaluation des normes : les listes complètes de candidatures doivent parvenir « au ministère de l’intérieur, direction générale des collectivités locales, au plus tard le 5 mai 2014, à 16 heures » (art. 1er).
[6] cf. Art. L. 1212-2. - I. : « Le Conseil national d’évaluation des normes est consulté par le Gouvernement sur l’impact technique et financier, pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, des projets de textes réglementaires créant ou modifiant des normes qui leur sont applicables. / Il est également consulté par le Gouvernement sur l’impact technique et financier des projets de loi créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. / Il émet, à la demande du Gouvernement, un avis sur les projets d’acte de l’Union européenne ayant un impact technique et financier sur les collectivités territoriales ou leurs établissements publics. / Sont exclues de la compétence du conseil national les normes justifiées directement par la protection de la sûreté nationale. »
[7] le présent décret est celui auquel il est renvoyé à l’article L. 1212-2 V. CGCT issu de la loi.
[8] Ce qui reste hypothétique au vu de la composition du Conseil...
[9] V. Gk, « - A la recherche de l’impact technique et financier des normes applicables aux collectivités territoriales... »