Le 15 août 2014, par Geneviève Koubi,
L’essor des téléservices publics conduit à une multiplication des applications ’personnalisées’ ouvertes aux administrés sur internet, le plus souvent signifiées par l’emploi du possessif « mon » (service, profil, espace) ou « ma » (démarche).
La création de « mon.service-public.fr » n’aura donc pas suffi. Or « mon.service-public.fr » avait pour vocation de « mettre à disposition des usagers un ensemble de téléservices leur permettant d’accomplir leurs démarches administratives en ligne auprès des autorités compétentes » [1], étant précisé que « Les destinataires ou catégories de destinataires des informations enregistrées par le traitement sont les seules autorités habilitées à traiter les démarches administratives des usagers du téléservice en vertu d’un texte législatif ou réglementaire » [2]. Il permet à l’usager de se doter d’un coffre-fort électronique, ou plus exactement d’un « espace confidentiel de stockage » dans lequel il enregistre « une fois pour toutes ses données personnelles usuelles (nom, adresse, etc.).... C’est aussi le lieu où il conserve en toute confiance les pièces justificatives échangées avec l’administration. En cours de démarche, l’usager peut ainsi faire appel à une pièce justificative présente dans son espace confidentiel. Réciproquement, les administrations partenaires peuvent y déposer le résultat d’une démarche ou des informations sur l’avancement des démarches engagées » [3].
.
Plusieurs plate-formes ont pu être instituées depuis. Deux arrêtés récents ont poursuivi la tendance, complété la panoplie et perfectionné les portails existants.
1/ En ce qui concerne la création de services constitués autour d’un possessif : l’arrêté du 29 juillet 2014 portant autorisation de traitements automatisés de données à caractère personnel relatives au service dématérialisé des outils de gestion du Fonds social européen au titre du Programme opérationnel national de l’objectif ’Compétitivité régionale et emploi’ pour la période 2007-2013 qui institue un portail nommé ’ma démarche FSE’.
Ce portail concerne des entités plus que des individus. Aux termes de l’arrêté, il « poursuit les finalités suivantes : - faciliter l’accès et simplifier la gestion du Fonds social européen en France ; - améliorer la qualité du service rendu aux usagers ; - faciliter le traitement et la prise en charge des demandes et des réalisations par les services gestionnaires concernés ; - faciliter l’élaboration des traitements de données des demandes de subvention ; - mettre en cohérence les réseaux d’information déjà existants ; - accélérer le traitement du versement du Fonds social européen aux bénéficiaires ; - faciliter les contrôles croisés entre les fonds européens conformément à la réglementation communautaire. » (art. 1er) [4]. En fait, c’est la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) qui, dans son avis n° 2012-265 du 19 juillet 2012 - quelque peu daté -, en explicite l’objectif : « Le téléservice "ma démarche FSE" vise à dématérialiser le dépôt, la recevabilité et l’instruction des demandes de financement FSE, d’une part, ainsi que le dépôt des bilans d’exécution, leur recevabilité et les rapports de contrôle de service fait pour une remontée fiabilisée des données à la Commission européenne, d’autre part » [5].
L’une des préoccupations affichées par l’arrêté du 29 juillet 2014 est de permettre à l’usager de « suivre l’évaluation du traitement de son dossier sur le portail » (art. 3, al. 3), à partir de son compte, « tout le temps [qu’il] est bénéficiaire du FSE au sens de la réglementation communautaire » (art. 3, al. 4). C’est toutefois la CNIL qui rappelle les limites de la personnalisation en signalant que « les données à caractère personnel collectées par l’intermédiaire du téléservice ’ma démarche FSE’ concernent les membres des structures ayant conclu une convention avec le FSE ». Les gestionnaires du Fonds social européen (autorités de gestion, autorités de gestion déléguées et organismes intermédiaires) et les autorités et services chargés du contrôle de la bonne utilisation du Fonds social au niveau national et au niveau communautaire ont accès à ces données (art. 4).
.
2/ Au titre des perfectionnements : l’arrêté du 10 juillet 2014 modifiant l’arrêté du 18 octobre 2013 portant création par la direction générale des finances publiques d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "Mon profil" [6].
Cet arrêté ouvre aux « agents habilités de la direction générale des finances publiques » l’accès aux informations enregistrées sur les comptes ouverts par le contribuable, personne physique. Ainsi, le contribuable n’est plus le seul à gérer les informations saisies dans ’son espace personnel en ligne’.
Certes, l’arrêté précise que ces agents peuvent « en modifier certaines à la demande de l’usager (création ou modification d’adresses de messagerie électronique, prise en compte de numéro[s] de téléphone) dans le cadre des missions d’assiette, de contrôle ou de recouvrement qui leur sont dévolues », mais le fait même que cette possibilité leur soit accordée suscite quelques interrogations sur les intentions ministérielles.
...
La notion d’espace personnel en ligne en apparaît de plus en plus équivoque.
.
[7]
[1] Art. 2, 5° arr. du 18 juin 2009 portant création par la direction générale de la modernisation de l’Etat d’un téléservice dénommé "mon.service-public.fr", modifié.
[2] Art. 4, Arr. 18 juin 2009.
[3] Cf. https://mon.service-public.fr/portail/app/cms/public/conditions_generales_utilisation.
[4] Les informations nominatives enregistrées du porteur de projet ou organisme bénéficiaire sont signifiées à l’article 2 de l’arrêté.
[5] Tout en notant que le terme ’téléservice’ n’apparaît pas dans le texte de l’arrêté du 29 juillet 2014, v. CNIL, avis n° 2012-265 du 19 juillet 2012 portant avis sur un projet d’arrêté relatif à la mise en œuvre d’un téléservice de l’administration dénommé ’ma démarche Fonds social européen’, JO 8 août 2014.
[6] JO 8 août 2014.
[7] Sans doute serait-il nécessaire de recenser l’ensemble des traitements automatisés de données à caractère personnel créés auprès de la direction générale des finances publiques... par delà ceux ainsi proposés aux contribuables sur internet. L’exemple de l’arrêté du 10 avril 2014 relatif à la mise en service par la direction générale des finances publiques d’un traitement automatisé de données à caractère personnel d’aide à la gestion et au suivi du contentieux dans les services de la direction générale des finances publiques et dénommé "ERICA"(JO, 20 juin 214) suffirait en lui-même. Si ces traitements automatisés semblent là beaucoup plus nombreux que ceux relevant du ministère de la justice ou du ministère de l’intérieur, peut-être n’est-ce que par la vertu d’un principe de ’transparence’...