Le 8 décembre 2015, par Geneviève Koubi,
Le recensement général des populations, des entreprises, des professions, des usagers des services publics et notamment, des administrés-internautes semble bien se profiler…. Ce qui prend une tonalité particulière en ces temps d’urgence...
Car, ce serait l’exemple-type de n’importe quel téléservice public au sein de tout ministère, auprès de toute administration… En effet, à l’article 1er de l’arrêté du 20 novembre 2015 autorisant au ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt un traitement automatisé de données à caractère personnel permettant la réalisation de procédures au moyen d’un téléservice la mention « le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt » pourrait tout autant être « le ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social » que « le ministère de de l’économie, de l’industrie et du numérique » ou le « ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ».
Cet article 1er dispose : « Le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt (secrétariat général, service de la modernisation) est autorisé à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel, dénommé « Service de dématérialisation des formulaires du ministère de l’agriculture » dont l’objet est la mise à la disposition des usagers de divers téléservices de renseignement de formulaires par voie électronique dans le but de simplifier les démarches administratives et d’améliorer les relations entre les administrés et l’administration. En l’absence de téléprocédure spécifique, les usagers individuels, les professionnels et les associations pourront, sans procéder à une ouverture de compte, effectuer les démarches administratives prévues par la loi ou le règlement en vue de leur traitement par les services déconcentrés en charge des politiques publiques du ministère chargé de l’agriculture, de l’administration centrale du ministère et de ses opérateurs. Le traitement permettra de joindre des pièces à l’appui des dossiers envoyés et de répondre à des demandes d’information de toute nature. »
Aucun des articles suivants ne propose de finalités particulières à ce traitement automatisé de données à caractère personnel. Cette lacune n’est pas involontaire. Elle confirme la tendance générale à la captation des données par les administrations. Ainsi, même s’il est prévu que les usagers des téléservices, ici de pensés de téléchargements de formulaires et de dépôts de pièces, se réalise « sans procéder à une ouverture de compte », effectuer les démarches administratives revient pour tout usager à s’enregistrer dans un fichier qui capture, les données à caractère personnel suivantes : « - état civil : nom, prénom, date de naissance, lieu de naissance, adresse ; - vie personnelle : téléphone, adresse de boite à lettre électronique, état marital, profession du conjoint, nombre d’enfants, nombre et nature des animaux détenus ; - vie professionnelle : formation professionnelle, cursus professionnel, participation à une société à caractère agricole ; - informations d’ordre économique et financier : revenu ; - données de connexion : horodatage » (art. 2). Les caractéristiques ici mentionnées quant aux animaux détenus et ceux relatifs à la vie professionnelle sont les seules qui seraient modifiées pour n’importe quel autre ministère...
Pourtant la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), dans son avis n° 2015-392 du 5 novembre 2015 portant avis sur le projet d’arrêté, avait relevé « la formulation trop générale de la rédaction actuelle de l’article 1er du projet d’arrêté ». En effet, « un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités ». Elle se contentait de « l’engagement du ministère de l’agriculture à modifier l’article 1er du projet d’arrêté afin d’y mentionner expressément les différentes finalités poursuivies par le traitement (demande d’information ou envoi de dossier, possibilité de joindre des pièces justificatives, administrations concernées) ». Engagement que le ministère n’a pas suivi [1].
Car, au prétexte de la simplification des démarches administratives et de l’amélioration des relations entre les administrés et l’administration, la mise en œuvre de téléservices diversifiés ne peut s’abstraire de signifier des objectifs et des finalités spécifiques. L’aspect bien trop général des téléservices et le spectre bien trop équivoque des traitements automatisés de données à caractère personnel créés ainsi à l’attention des administrés-internautes que tout citoyen est et sera désormais, ne permet aucunement d’affirmer que les droits des personnes sont respectés.
[1] La CNIL avait aussi signalé que « s’agissant des usagers professionnels, si l’utilisation du dispositif nécessite le traitement de données à caractère personnel relatives aux dirigeants ou aux demandeurs, […] le projet d’arrêté devrait être complété en ce sens »… ce qui n’a pas été fait.