Lien hypertexte (référence, site à visiter...) : décret n° 2008-390 du 24 avril 2008 relatif au mécénat de doctorat des entreprises
Lire le décret n° 2008-390 du 24 avril 2008 relatif au mécénat de doctorat des entreprises (JO 25 avril 2008), intensifie l’interrogation à propos de la « liberté de la recherche »...
Si l’article 2 de ce décret prévoit que « les projets de recherche doctorale proposés au mécénat de doctorat des entreprises sont choisis et rendus publics par les écoles doctorales », comment concilier les principes directeurs des études doctorales avec les objectifs particuliers poursuivis par les entreprises ? L’article L. 612-7 du code de l’éducation ne précise-t-il pas que « le troisième cycle est une formation par la recherche qui comporte, dans le cadre de formations doctorales, la réalisation individuelle ou collective de travaux scientifiques originaux » ? Ces formations sont censées prendre en compte « les besoins de la politique nationale de recherche et d’innovation et comportent une ouverture internationale », l’expérience professionnelle qui en ressort concerne essentiellement la recherche. En tant que « le diplôme de doctorat est délivré après la soutenance d’une thèse ou la présentation d’un ensemble de travaux scientifiques originaux », comment serait-il possible de s’assurer de la qualité scientifique et de l’originalité de recherches menées, certes dans le cadre « d’une unité ou équipe de recherche reconnue à la suite d’une évaluation nationale » (art. 3 du décret), mais principalement suivant les orientations prédéterminées par une entreprise [1] ?
La source principale de ce décret se trouve dans l’article 238 bis du Code général des impôts. Cet article prévoit “une réduction d’impôt égale à 60 % de leur montant” pour les versements effectués par les entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, dans la limite de 5 pour mille du chiffre d’affaires, lorsque ceux-ci sont, entre autres, réalisés au profit “des établissements d’enseignement supérieur ou d’enseignement artistique publics ou privés, d’intérêt général, à but non lucratif” (c.), et, plus sûrement, ainsi que l’article premier du décret du 24 avril 2008 le signifie, pour les « projets de thèse proposés au mécénat de doctorat par les écoles doctorales » (e bis.).
S’agit-il désormais, par ce décret du 24 avril 2008 relatif au mécénat de doctorat des entreprises, de faire en sorte que les universités, établissements publics d’enseignement supérieur, se mettent au service des entreprises privées [2] ? L’enjeu est-il de façonner le monde de la recherche suivant les attentes des entreprises privées, le souci de leurs profits dépassant largement la préoccupation générale des progrès de la science et du développement du savoir ?
Plus largement, ce texte annonce un désinvestissement de plus en plus problématique de l’Etat dans le secteur de la recherche [3].
[1] cf. la précision donnée à l’article 5 du décret selon lequel « la contribution versée par l’entreprise a pour objet exclusif la réalisation du projet de recherche doctorale ».
[2] L’article L. 113-2 du Code de la recherche prévoit que « la mission interministérielle "Recherche et enseignement supérieur" permet la mise en oeuvre des quatre catégories d’actions suivantes : a) Les recherches fondamentales dont le développement est garanti ; b) Les recherches appliquées et les recherches finalisées entreprises ou soutenues par les ministères et les organismes publics de recherche en vue de répondre aux besoins culturels, sociaux et économiques ; c) Les programmes de développement technologique ; d) Des programmes mobilisateurs pluriannuels qui font appel à ces différentes catégories d’action. Ces programmes mobilisent autour des grands objectifs d’intérêt national retenus par le Gouvernement tant des crédits budgétaires que d’autres moyens apportés par les organismes publics de recherche, les laboratoires universitaires, les entreprises nationales, les centres de recherche et les entreprises privés ». Ce n’est qu’en dernier lieu que les entreprises privées sont invitées à participer, de manière accessoire, à cette dynamique.
[3] V. aussi des ravages annoncés de la modernisation universitaire.