Le 10 mars 2010, par Geneviève Koubi,
En un nouvel article du Code de la construction et de l’habitation, issu de la loi n° 2010-238 du 9 mars 2010 visant à rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation [1], un des droits du locataire à un logement de bonne qualité est quelque peu remis en cause, la position du propriétaire est avantagée, les vendeurs de détecteurs de fumée se trouvent un nouveau marché pour engranger de substantiels bénéfices et les assureurs potentiels des lieux d’habitation pourront ajouter dans les contrats des clauses nouvelles (en petits caractères) pour exclure certaines prises en charge et responsabilités [2]...
Les obligations et les droits du locataire acquièrent une autre dimension. La notion de logement décent qui permettait au locataire d’exiger du propriétaire le respect de certaines normes d’habitation se voit quelque peu déstabilisée quant aux conditions établies au regard de la sécurité physique et de la santé. Le premier alinéa de l’article 6 de la n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 dispose en effet que : « Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation ».
Le nouvel article L. 129-8 du Code de la construction et de l’habitation dispose désormais que : « L’occupant d’un logement, qu’il soit locataire ou propriétaire, installe dans celui-ci au moins un détecteur de fumée normalisé. Il veille à l’entretien et au bon fonctionnement de ce dispositif. / Cette obligation incombe au propriétaire non occupant dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat, notamment pour les locations saisonnières, les foyers, les logements de fonction et les locations meublées. Ce décret fixe également les mesures de sécurité à mettre en œuvre par les propriétaires dans les parties communes des immeubles pour prévenir le risque d’incendie. / L’occupant du logement notifie cette installation à l’assureur avec lequel il a conclu un contrat garantissant les dommages d’incendie ». En ce seul article, sont entremêlés les différents acteurs de la relation locative : la distinction entre propriétaire et locataire n’est plus assurée alors même que les positions de l’un et de l’autre ne peuvent être situées à un même niveau.
En attendant qu’un décret, prévu par l’article suivant (art. L. 129-9), en définisse les modalités d’application, « notamment les caractéristiques techniques du détecteur de fumée normalisé et les conditions de son installation, de son entretien et de son fonctionnement », une question devra être résolue quant aux compatibilités entre cette obligation mise à la charge du locataire et les dispositifs des baux de location interdisant au locataire d’effectuer des travaux dans l’appartement qu’il occupe (et, suivant des formulations obsolètes, qu’il doit meubler ’bourgeoisement’). Sans contester l’utilité de cette obligation de sécurité [3], on est en droit de se demander si la dépense effectuée par le locataire pour la mise en place de détecteurs de fumée dans le logement occupé peut faire l’objet d’un reversement ou d’une déduction du loyer [4].
Une mise en regard de ce dispositif avec celui de l’article L. 129-1 du même code est toutefois nécessaire pour évaluer la pertinence de ce modèle instituant une obligation de sécurité envers le locataire. Cet article L. 129-1 dispose : « Lorsque, du fait de la carence du ou des propriétaires, des équipements communs d’un immeuble collectif à usage principal d’habitation présentent un fonctionnement défectueux ou un défaut d’entretien de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou à compromettre gravement leurs conditions d’habitation, le maire peut, par arrêté, prescrire leur remise en état de fonctionnement ou leur remplacement, en fixant le délai imparti pour l’exécution de ces mesures. » La distinction entre parties communes et partie privative est donc substantielle. La responsabilité du propriétaire étant directement en jeu pour les parties communes, la fonction d’un détecteur de fumée dans le logement occupé en est nécessairement dissociée. C’est au locataire de prendre en charge sa propre sécurité dans le logement qu’il occupe...
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Si chacun s’imagine qu’il disposerait d’un délai de 5 ans pour se plier à cette obligation, la lecture de l’article 5 de la loi n° 2010-238 du 9 mars 2010 visant à rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation doit inciter à la vigilance ; ces dispositions « entrent en vigueur dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’Etat », ce décret devant intervenir « au plus tard au terme d’un délai de cinq ans à compter de la date de sa publication ».
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[1] JO 11 mars 2010.
[2] A ce propos, le dispositif de l’article L. 122-9 du Code des assurances ne permet pas de comprimer leur recherche de profits, une minoration d’un côté pouvant susciter une augmentation de l’autre : « L’assureur peut prévoir une minoration de la prime ou de la cotisation prévue par la police d’assurance garantissant les dommages incendie lorsqu’il est établi que l’assuré s’est conformé aux obligations prévues aux articles L. 129-8 et L. 129-9 du code de la construction et de l’habitation. »
[3] ... notant toutefois que l’un des prolongements possibles de cette mesure pourrait conduire à une interdiction de fumer chez soi...
[4] ... surtout que l’augmentation constante de ce dernier est en total décalage avec les consignes RGPP de non-revalorisation des salaires ou des allocations.