Le 30 mars 2011, par Geneviève Koubi,
Cela se passe de commentaires. Au Journal officiel du 30 mars 2011, pour une fois, lois et décision du Conseil constitutionnel sont de même date :
L. organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits ; Cons. const. n° 2011-626 DC du 29 mars 2011 ; L. n° 2011-334 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits
De la décision du Conseil constitutionnel, on retiendra essentiellement les réserves d’interprétation : « Sous les réserves énoncées aux considérants 6, 11 et 16, les articles 2, 11 et 29 de la loi organique relative au Défenseur des droits sont conformes à la Constitution. »
En premier lieu, « l’immunité pénale reconnue au Défenseur des droits et à ses adjoints ne saurait s’appliquer qu’aux opinions qu’ils émettent et aux actes qu’ils accomplissent pour l’exercice de leurs fonctions ». En deuxième lieu, l’indépendance du Défenseur des droits « implique que le Premier ministre mette fin aux fonctions des adjoints sur la proposition du Défenseur des droits ». En troisième lieu, le Défenseur des droits ne saurait « donner suite aux réclamations des justiciables portant sur le comportement d’un magistrat dans l’exercice de ses fonctions » ; il ne peut que se permettre « d’aviser le ministre de la justice de faits découverts à l’occasion de l’accomplissement de ses missions et susceptibles de conduire à la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire à l’encontre d’un magistrat ».
On notera encore que les articles 37 et 39 de la loi organique « n’ont pas le caractère organique ». L’article 37 précise notamment que le Défenseur des droits « dispose de services placés sous son autorité qui ne peuvent comprendre que des fonctionnaires civils et militaires, des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats et des agents contractuels de droit public. ». L’article 39 répond à une donnée d’ordre administratif : « Le Défenseur des droits établit et rend publics un règlement intérieur et un code de déontologie qui lui sont applicables, ainsi qu’à ses adjoints, aux autres membres des collèges, à ses délégués et à l’ensemble des agents placés sous son autorité. »
La loi (ordinaire) n° 2011-334 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits prévoit les ajustements des différents textes législatifs antérieurs touchés par son institution tentaculaire.
Cela concerne, à des titres divers de plus ou moins grande importance, les lois suivantes : L. n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ; L. n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire ; L. n°2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Cela touche aussi à l’article L. 5312-12-1 du Code du travail et à quelques dispositions du Code électoral.
En tout texte, les mots de Médiateur de la République, de Défenseur des enfants, de la Commission nationale de déontologie de la sécurité ainsi que de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité sont soit supprimés soit remplacés par les mots : « Défenseur des droits ». Et, sont abrogés : « 1° La loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République ; 2° La loi n° 2000-196 du 6 mars 2000 instituant un Défenseur des enfants ; 3° La loi n° 2000-494 du 6 juin 2000 portant création d’une Commission nationale de déontologie de la sécurité ; 4° La loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité ; 5° L’article L. 221-5 du code de l’action sociale et des familles. »
En fin de compte, à lire la loi organique, on s’aperçoit que le Défenseur des droits ne dispose que de peu de pouvoirs proprement dits... Il "peut" [1]. On aurait pu souhaiter une réelle consécration d’une fonction de "défenseur" des droits... (des administrés). Un défenseur dont les compétences couvrent d’un tel champ d’observation aussi étendu ne disposant que de pouvoirs sans prérogatives assurées est-il vraiment un "Défenseur" ?
En effet, selon l’article 4 de la loi organique du 29 mars 2011 : « Le Défenseur des droits est chargé : 1° De défendre les droits et libertés dans le cadre des relations avec les administrations de l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes investis d’une mission de service public ; 2° De défendre et de promouvoir l’intérêt supérieur et les droits de l’enfant consacrés par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ; 3° De lutter contre les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ainsi que de promouvoir l’égalité ; 4° De veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République. »
Donc, il peut faire des recommandations ; il peut établir un rapport spécial quand ces recommandations ne sont pas suivies. Il « peut procéder à la résolution amiable des différends portés à sa connaissance, par voie de médiation » ; il peut assister tout réclamant « dans la constitution de son dossier et l’aide(r) à identifier les procédures adaptées » ; il « peut proposer à l’auteur de la réclamation et à la personne mise en cause de conclure une transaction dont il peut recommander les termes » [2] ; il « peut saisir l’autorité investie du pouvoir d’engager les poursuites disciplinaires des faits dont il a connaissance et qui lui paraissent de nature à justifier une sanction », et là encore faire un rapport spécial le cas échéant ; il « peut recommander de procéder aux modifications législatives ou réglementaires qui lui apparaissent utiles » [3]....
Mais, il ne peut pas remettre en cause une décision juridictionnelle.
Le Conseil d’Etat se voit conforté dans ses fonctions consultatives : « Lorsque le Défenseur des droits est saisi d’une réclamation, non soumise à une autorité juridictionnelle, qui soulève une question touchant à l’interprétation ou à la portée d’une disposition législative ou réglementaire, il peut consulter le Conseil d’Etat. Le Défenseur des droits peut rendre public cet avis. Ce dernier est rendu dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. » (art. 31 LO)
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« La loi organique entre en vigueur le lendemain de sa publication »... donc au 31 mars 2011...
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[1] L’expression "il doit" n’apparaît que dans le cas où il est « saisi, ou se saisit d’office, de faits donnant lieu à une enquête préliminaire ou de flagrance ou pour lesquels une information judiciaire est ouverte ou des poursuites judiciaires sont en cours » ; dans ce cas, « il doit recueillir l’accord préalable des juridictions saisies ou du procureur de la République ».
[2] Lire attentivement l’article 28 de la loi organique du 29 mars 2011 s’impose...
[3] On cherche en vain dans le texte de la loi organique les mots "personne privée" ; l’ expression "personne morale" apparaît mais elle reste en retrait. Même si à l’article 5 3° il est noté que le défenseur des droits peur être saisi par toute personne « qui s’estime victime d’une discrimination, directe ou indirecte, prohibée par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, ou par toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits se proposant par ses statuts de combattre les discriminations ou d’assister les victimes de discriminations, conjointement avec la personne s’estimant victime de discrimination ou avec son accord », l’article 30 de la loi organique dit combien les fonctions de la HALDE seront minimisées : « Le Défenseur des droits, lorsqu’il a constaté une discrimination directe ou indirecte ... dans l’activité professionnelle d’une personne physique ou morale soumise à agrément ou autorisation par une autorité publique, ou à l’encontre de laquelle une telle autorité dispose du pouvoir de prendre des mesures conservatoires ou des sanctions pour non-respect de la législation relative aux discriminations ou au titre de l’ordre et des libertés publics peut recommander à cette autorité publique de faire usage des pouvoirs de suspension ou de sanction dont elle dispose. /Le Défenseur des droits est tenu informé des suites données à sa recommandation ».