Le 4 novembre 2012, par Geneviève Koubi,
Existerait-il un téléservice qui permettrait aux automobilistes de s’informer sur les moyens de contester les verbalisations qui leur sont signifiées sur le mode du PV électronique (PVe) ? Ce ne serait sans doute pas la seule opération offerte aux usagers du site abritant un tel téléservice, mais sans doute est-elle celle qui retiendrait le plus leur attention [1]
Le prétendu téléservice en cause dépend de l’ANTAI, agence nationale de traitement automatisé des infractions - conçue pour gérer les amendes décidées par des radars automatisés, dont le site a été ouvert au public au 1er octobre 2012. La dénomination est trompeuse. Il a été surtout présenté sous un autre signet : site des PVe [2]. La publicité, discrète, qui lui est faite dissimule certaines des fonctionnalités qui lui sont associées. Ce téléservice, si tant est qu’il en serait un, concentre pour l’instant deux options opposées : la première, la plus classique, relève de l’offre de services informationnels ; la seconde, plus insinuée, reflète les stratégies discursives d’une administration numérique jouant d’interconnexions multiples....
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Créée par un décret n° 2011-348 du 29 mars 2011, l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions, établissement public administratif de l’État placé sous la tutelle du ministre de l’intérieur, « agit en qualité de prestataire de services de l’État, de collectivités territoriales ou de tout organisme public ou privé chargé d’une mission de service public. Elle a pour mission : /1° La participation à la définition des normes techniques relatives au traitement automatisé des infractions, le contrôle et l’évaluation de leur application, la contribution à leur évolution et à la surveillance de l’interopérabilité des dispositifs techniques correspondants ; / 2° La conception, l’entretien, la maintenance, l’exploitation et le développement des systèmes et applications nécessaires au traitement automatisé des infractions ; / 3° L’édition, le publipostage, le routage et l’affranchissement des différents avis de contravention établis par voie électronique ou dans le cadre du traitement automatisé des infractions, ainsi que les différents courriers nécessaires ; / 4° Le tri du courrier reçu dans le cadre des recours émis par des contrevenants ou de tous autres courriers ; / 5° L’information des contrevenants par l’organisation d’un centre d’appels ou de tout autre moyen de communication ; 6° L’organisation et la gestion du traitement automatisé des infractions qui lui est confié en qualité de prestataire » (art. 2, D. n° 2011-348 du 29 mars 2011). L’État peut aussi « lui confier le déploiement et la maintenance des appareils de contrôle automatique et des outils de verbalisation » ; toutefois, l’ANTAI ne peut assurer ni la constatation des infractions, ni le recouvrement des amendes...
L’ANTAI s’est ainsi occupée du déploiement de la verbalisation électronique sur le territoire : pour les services de l’État, le déploiement est achevé depuis le 30 juin 2012. Quant aux collectivités territoriales, elles choisissent adhérer ou non au système de la verbalisation électronique. Aucune étude statistique n’a, pour l’instant, été trouvée à ce propos.
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Le site de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions rend compte du contexte de sa création en ces termes : « Dans un souci d’économie, de modernisation de l’État, de fiabilité technique et d’équité entre les contrevenants, l’agence a automatisé le traitement des infractions à la circulation routière. / L’agence assure le traitement automatisé des messages d’infractions qui résultent de la mise en œuvre du programme de contrôle automatisé (radars ou feux-rouges) ou de la constatation par des équipements électroniques dans le cadre du programme de "procès-verbal électronique" (PVe). / Le traitement automatisé se compose de toutes les étapes depuis le flash ou la verbalisation par un agent au moyen d’un appareil électronique (PVe) jusqu’à la remise à La Poste de l’avis de contravention [3]. »
Il est spécifié que "tout ce processus est réalisé à Rennes au CNT (Centre national de traitement) » [4].
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Les activités de prestations de l’ANTAI ne peuvent être comprises sans référence à l’arrêté du 13 octobre 2004 portant création du système de contrôle automatisé (CA), - lequel est exploité par le CNT.
L’arrêté du 13 octobre 2004 modifié définit ce système CA comme « un traitement automatisé de données à caractère personnel [5] dont les finalités sont... : / 1° Constater, au moyen d’appareils de contrôle automatique homologués, les infractions à la réglementation sur les vitesses maximales autorisées, sur le respect des distances de sécurité entre les véhicules, sur l’usage des voies et chaussées réservées à certaines catégories de véhicules et sur les signalisations imposant l’arrêt des véhicules ; 2° Procéder à l’enregistrement et à la conservation des données recueillies par l’agent verbalisateur au moyen d’appareils électroniques à l’occasion de la constatation des contraventions des quatre premières classes liées à la circulation routière ; 3° Gérer les opérations relatives à l’identification des conducteurs de véhicule, auteurs d’infractions visées au 1° et au 2° ; 4° Gérer les opérations nécessaires au traitement des infractions visées au 1° et au 2° en vue de la notification des avis de contravention ; 5° Gérer les réponses des contrevenants aux avis de contravention qui leur sont notifiés ; 6° Faciliter la gestion du paiement des consignations, le recouvrement des amendes et le remboursement des consignations par les services compétents ; 7° Faciliter l’établissement des retraits de points par le service chargé de la gestion du système national des permis de conduire ; 8° Assurer la transmission des dossiers relatifs aux infractions visées au 1° et au 2° aux tribunaux et autorités judiciaires compétents ; 9° Gérer le parc des appareils électroniques d’enregistrement. » (art.1, arr. du 13 oct. 2004)
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En vertu de ce même arrêté, le CA peut « faire l’objet d’interconnexion, mise en relation ou rapprochement avec : « - le fichier national des immatriculations ; - le système national des permis de conduire ; - le traitement automatisé de suivi du recouvrement des amendes et des condamnations pécuniaires ; - les traitements relatifs à la gestion des contrats de location et des véhicules loués mis en œuvre par les sociétés ayant pour activité la location de véhicules, ... ; - les traitements relatifs à la gestion du parc automobile mis en œuvre par les sociétés ou établissements mettant des véhicules à disposition de leurs collaborateurs ou clients, ... ; - les systèmes de télépaiement des amendes mis en œuvre par les services compétents du Trésor public ; - les traitements automatisés relatifs au traitement des ordonnances pénales et jugements devant les tribunaux de police ; (...) - le système d’immatriculation des véhicules [6] ; - la base satellite des véhicules volés [7]. »
Sur ce dossier, la CNIL avait émis un avis favorable minimaliste en se contentant de relever que « le système "contrôle automatisé" et celui des échanges d’informations opérés et des interconnexions mises en place afin d’identifier le titulaire du certificat d’immatriculation ou le conducteur du véhicule, de lui adresser l’avis de contravention correspondant et de faciliter la gestion éventuelle des dossiers transmis aux tribunaux de police a un fondement législatif » [8].
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Le téléservice annoncé comme permettant de contester les PVe est en fin de compte difficilement repérable à travers ces différents textes comme à partir de la structure du site de l’ANTAI.
Pourtant, sur son portail, l’ANTAI voudrait sans doute parvenir à se présenter comme un téléservice ouvert aux usagers de la route afin de masquer le fait qu’elle ne serait qu’un téléservice bénéficiant aux collectivités publiques. Nul ne doute que la raison d’être de ce service est de permettre une accélération du paiement des amendes, mais rien n’interdit de penser que ce service voit également mis à même de recenser et traiter les contestations que les conducteurs flashés pourraient aussi soulever à l’égard de leur verbalisation automatisée.
En trois cases, toutes les situations sont-elles identifiées ?
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Bien qu’il ne soit pas encore tout à fait au point, techniquement et juridiquement, ce site ANTAI devrait, à terme, acquérir une qualité dynamique et interactive en se substituant quelque peu au centre d’appel téléphonique ... saturé.
Et, conformément à sa mission, l’ANTAI réfléchit sur la possibilité de transformer les informations relatives aux possibilités de contestation en un téléservice de dépôt en ligne de la contestation... Mais organiser le dépôt en ligne d’une contestation révèle-t-il vraiment l’existence d’un téléservice ?
[1] V. A. Négroni, lefigaro.fr (11/10/2012), « Un site pour contester les excès de vitesse. »
[2] Par ex. : sur weka/actualites (23/10/2012), « Un nouveau site internet sur le PV électronique » ; sur le Journal des Communes Durables : « Verbalisation électronique - Les PV ont leur site officiel.
[3] Le PVe a été créé indirectement par l’arrêté du 20 mai 2009 modifiant l’arrêté du 13 octobre 2004 portant création du système de contrôle automatisé. V. aussi le "guide d’installation du PVe produit par l’ANTAI :
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[4] NB : ledit site accueille également les services de l’Officier du Ministère public (OMP) et le Centre automatisé de constatation des infractions routières (CACIR).
[5] L’art. 3 de l’Arr. du 13 oct. 2004 en donne la liste : Sont enregistrées dans le système : « - numéro d’identification unique de l’infraction ; - clichés concernant le véhicule et ses passagers... ; - données relatives à l’infraction : nature de l’infraction, lieu, date et heure, voie contrôlée, moyens de constatation, identifiant et nom, corps et unité ou service d’affectation des agents verbalisateurs ; - identification du véhicule : catégorie et numéro d’immatriculation du véhicule ayant servi à l’infraction ; - identification du titulaire du certificat d’immatriculation : état civil (nom, nom d’usage, prénoms, date et lieu de naissance, nationalité, adresse) ; - identification du conducteur du véhicule : état civil ; - catégorie et numéro de permis de conduire du conducteur du véhicule ; - montant de l’amende, nature ; - informations relatives au paiement des amendes et des consignations par les débiteurs ; - informations relatives au retrait de points correspondant à l’infraction ; - informations relatives aux requêtes en exonération présentées par les contrevenants ... ; - statut des décisions rendues par les juridictions compétentes aux fins de permettre le remboursement de la consignation par les services compétents et de clôturer le dossier d’infraction » ; de plus, « en tant que de besoin, le système contrôle automatisé peut également enregistrer des données communiquées par des États qui présentent un niveau de protection suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes à l’égard du traitement dont ces données font l’objet ou peuvent faire l’objet. »
[6] Qui relève de l’Agence nationale des titres sécurisés.
[7] V. Arr. du 10 décembre 2008 portant création par le ministère de l’intérieur d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "base satellite VV".
[8] Delib. n° 2004-076 du 5 octobre 2004 portant avis sur un projet d’arrêté interministériel portant création d’un dispositif dénommé système "contrôle automatisé" visant à automatiser la constatation, la gestion et la répression de certaines infractions routières, JO 15 oct. 2004.