Le 30 janvier 2013, par Geneviève Koubi,
MAP ou RGPP, rien ne change, sinon un peu la tonalité, mais pas le format.
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La circulaire du Premier ministre du 9 janvier 2013 relative à la modernisation de l’action publique fait état des orientations et des décisions prises lors du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (CIMAP). Toutefois, elle permet de replacer au centre des discours les fonctions de l’Etat et la permanence des services publics. En quelque sorte, elle répond au registre des circulaires antérieures relatives au renouveau du service public ou à la réforme de l’État [1]. L’État devient "stratège" ; il « prépare aux défis de l’avenir et trace des perspectives » pour faire face à la compétition économique, au vieillissement de la population, à la mobilité et au changement climatique. La logique de la litanie est à rechercher dans les mots-clefs des discours politiques menés à propos de la réforme de l’État depuis les années 1980.
Les actions et les méthodes décrites dans cette circulaire reviendraient à revitaliser la notion de service public - ce, même si la construction de services publics efficaces ne s’entend que si ces services publics « ne pèsent pas trop lourdement sur les contribuables et les finances publiques ». L’attention portée aux services publics assurerait alors d’une certaine distanciation à l’égard de la RGPP. Sont ainsi loués le "sens du service public" des agents publics, leur capacité d’adaptation, leur neutralité, leur adhésion aux ’valeurs de la République’. Or, dès que sont envisagés les thèmes de la ’responsabilisation’ des acteurs de la modernisation de l’action publique, le ton change et rejoint les antiennes de la RGPP.
L’expression "feuille de route" en est une des illustrations. Le vocabulaire s’est tellement appauvri durant ces dernières années que les métaphores les plus éculées deviendraient des arguments de poids ! Ainsi, « une feuille de route sur l’administration numérique (devra permettre de) renforcer la cohérence de l’action des acteurs publics, mieux prendre en compte les besoins des usagers et des agents et étendre la mise à disposition gratuite des données publiques ».
Suivant ces logiques, revisiter le calcul proposé par l’équipe gouvernementale précédente pour le transformer en une équation parallèle "1 norme créée = 1 norme supprimée", détient peu de sens. Pourtant la règle est désormais clairement instaurée. La mathématique fait (dés)ordre ! [2]
De même, par exemple, est-il indiqué dans cette circulaire que les indicateurs de qualité des services publics relèveront d’un ’baromètre’ indépendant [3]. La question climatique s’insinue dans la prose administrative.
Le discours s’embarrasse de modules techniques qui exposent en des "grilles" et en des "tableaux" faits de listes et d’énumérations chiffrées, les pivots [4] de l’action, de la décision. La force des langages de style ’powerpoint’ détruit progressivement la qualité des verbes et des phrases... - au prétexte d’une simplification qui fait oublier que la compréhension d’un texte dépend souvent de son contexte.
Pour rénover les services publics, quarante politiques publiques devront être évaluées... suivant des priorités indéterminées. Elles concernent tout autant l’administration centrale que l’administration territoriale. En fait, la répétition de l’expression "services publics" ne convainc pas. Elle ne peut masquer les répétitions des scénarii. Les annexes qui complètent cette circulaire usent d’ailleurs des mêmes formats que ceux précédemment utilisés sous le label de la RGPP... - ne manquent que les "feux" (vert ou rouge) !
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Cette circulaire ne présente qu’une synthèse des décisions élaborées lors du CIMAP du 18 décembre 2012. Elle relève exclusivement du champ de la communication gouvernementale... [5]
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[1] V. par ex. Circ. du 23 février 1989 relative au renouveau du service public (dite Rocard) ; circ. du 26 juillet 1995 relative à la préparation et mise en œuvre de la réforme de l’État et des services publics (dite Juppé).
[2] V. Gk, « +1 => -2 ? Un calcul a-normatif ».
[3] V. cependant, H. Pauliat, « La modernisation de l’action publique réside-t-elle désormais dans la mesure de la qualité des services publics ? », JCP A n° 46, nov. 2012, act. 763.
[4] - et non les piliers -.
[5] Comme par ailleurs la circulaire du 14 janvier 2013 relative aux règles pour une gestion responsable des dépenses publiques.