Le 13 mai 2015, par Geneviève Koubi,
Le Conseil d’État a donc décidé la suspension de la mise en œuvre du fichier "STADE" ce 13 mai 2015.
Certes, cette mesure n’est que "provisoire" mais le juge administratif a pu noter explicitement qu’il existait "un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté" du ministre de l’intérieur du 15 avril 2015 [1].
De fait, toute personne de plus de treize ans « se prévalant de la qualité de supporter d’une équipe ou se comportant comme tel » pouvait se trouver "fichée" et les données collectées la concernant étaient de toutes natures, allant de la mention de la profession éventuelle jusqu’au relevé de « signes physiques particuliers », touchant aussi à ses activités publiques, comportements et déplacements, à ses incursions dans les blogs et réseaux sociaux, - notamment en lien avec les « groupes de supporters d’appartenance » comme à ses fréquentations, même si ces relations amicales ou sociales ne concernaient en rien son propre intérêt pour le football...
Les associations qui ont saisi le Conseil d’État d’un référé-suspension [2] ont donc obtenu gain de cause [3].
L’ordonnance de référé du 13 mai 2015 - outre la problématique de la condition de l’urgence [4] - assoit la décision de suspension sur la lecture des dispositions de l’article 6 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 : « Un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui satisfont aux conditions suivantes : / 1° Les données sont collectées et traitées de manière loyale et licite ; / 2° Elles sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités […] ; 3° Elles sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs ».
Le Conseil d’État retient ainsi que, comme le signifiaient les associations requérantes, l’arrêté ne définit pas « avec une précision suffisante ni les personnes concernées par ce traitement, ni les catégories de données qui peuvent être enregistrées », il remarque que, malgré les justifications du ministère, le traitement STADE « ne porte pas sur des données adéquates, pertinentes et non excessives »...
Il n’en demeure pas moins qu’avant même d’être ainsi formalisé juridiquement par l’arrêté du 15 avril 2015, ce fichier STADE a été composé, alimenté, utilisé, exploité et exploré.
Peut-on espérer que, puisque "doute sérieux sur la légalité de l’arrêté" il y a, l’arrêté soit ensuite annulé et que soit alors ordonné la destruction dudit fichier ? Sur ce dernier point, l’attente risque bien de rester vaine. Il y a et il y aura encore bien des traitements automatisés de données à caractère personnel "souterrains"....
[1] V. Gk, « Les données d’un fichier "STADE ».
[2] Art. L. 521-1 du Code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».
[3] .... un temps au moins ; le Conseil d’État reste saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre cet arrêté.
[4] Signifiée au point 7 : « Considérant que l’urgence justifie la suspension de l’exécution d’un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ; qu’en l’espèce, l’arrêté porte une atteinte grave et immédiate au droit au respect de la vie privée des personnes concernées, tant par la nature des données collectées et traitées et leur possible utilisation pour l’exercice des compétences dévolues à l’autorité préfectorale par l’article L. 332-16 du code du sport, que par la transmission des données collectées aux clubs sportifs sans garantie suffisante quant à leur utilisation par ceux-ci ; que dès lors les effets de l’acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue . » - notant par ailleurs que ces formulations s’approchent des observations qui auraient justifié une procédure de référé-liberté...