Le 5 juillet 2016, par Geneviève Koubi,
Par un arrêté du 23 juin 2016, publié au Journal officiel du 5 juillet 2016, « Il est créé au ministère de l’intérieur (direction de la modernisation et de l’action territoriale) un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé EXPLOC ayant pour finalité la gestion des dossiers instruits dans le cadre de la prévention et de la gestion des procédures d’expulsions locatives. » (art. 1)
Ce traitement automatisé de données à caractère personnel qui se fonde sur la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), viserait à « dématérialiser la gestion de la prévention et des procédures d’expulsions locatives ». A ce propos, dans son avis n° n° 2016-015 du 28 janvier 2016, la CNIL relève également l’article 13 du décret n° 2015-1384 du 30 octobre 2015 relatif à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives en ce qu’il précise que « le système d’information prévu au dernier alinéa de l’article 7-2 de la loi du 31 mai 1990 susvisée a pour finalité d’améliorer l’efficacité de la prévention et de la gestion de la procédure des expulsions locatives. »
Néanmoins, ainsi que la CNIL le signale, ce traitement automatisé de données à caractère personnel ne s’arrête pas à la dématérialisation de la gestion de la prévention et des procédures d’expulsions locatives, il concerne aussi, en conséquence, le suivi des dossiers individuels des locataires connaissant des difficultés pour le paiement de leur loyer.
Or, en plus, l’application EXPLOC aurait pour objectif :
1/ « d’améliorer la qualité du service : - en clarifiant et en rendant visible la procédure à l’ensemble des utilisateurs en leur offrant un accès partagé en temps réel aux informations relatives au déroulement de la procédure ; - en permettant de suivre les délais réglementaires ; - en réduisant les montants indemnitaires versés par l’Etat aux bailleurs lorsque le concours de la force publique n’a pas été accordé dans les délais » ;
2/ « d’améliorer le fonctionnement du service : - en allégeant et en rationalisant les tâches des agents ; - en réduisant les temps de traitements et les délais associés ; - en améliorant le suivi hiérarchique, le contrôle et la traçabilité du déroulement des étapes de la procédure ; - en facilitant le suivi et le pilotage de la procédure (au moyen de la production d’indicateurs et de statistiques de performance des services, nécessaires au suivi de l’activité et permettant une analyse plus fine des situations d’impayés de loyer dans un territoire, de leur mode de résolution et des montants d’indemnités payés par l’Etat) ; - d’effectuer un archivage des dossiers, afin de retrouver plus facilement un dossier en cas de nouvel incident de paiement de loyer pour un locataire en difficulté ; - de calculer les indemnisations lors d’un recours amiable du bailleur et les indemnités dues par l’Etat lorsque sa responsabilité est reconnue en contentieux administratif en cas de concours de la force publique non accordé dans les délais réglementaires. »
On peut alors s’interroger sur le principe de la "prévention" de l’expulsion lorsque, ainsi que le rappelle la CNIL, les principales « étapes de la procédure renseignées dans l’application EXPLOC correspondent aux étapes du déroulement d’un dossier d’expulsion locative » : « - gestion de la prévention ; - gestion de l’assignation à comparaître d’un locataire aux fins de constat de résiliation du bail ; - gestion d’un commandement de quitter les lieux ; - gestion d’une demande de concours de la force publique ; - gestion du calcul des demandes d’indemnités à l’amiable, puis éventuellement en contentieux. ». Et, dès lors, ces finalités paraissent "légitimes"...
Il n’en demeure pas moins que la liste des données enregistrées soulève quelques questions.
Sont enregistrées au titre de l’article 2 de l’arrêté du 23 juin 2016 relatif à la création de ce traitement EXPLOC :
« « I. - Occupant en situation d’impayés de loyers : 1° Etat civil : nom, prénom, date de naissance, sexe ; 2° Coordonnées : adresses postale et électronique, adresse de contact si différente du local, coordonnées téléphoniques ; 3° Bénéficiaire de l’aide personnalisée au logement, montant mensuel de l’aide personnalisée au logement ; 4° Numéros d’identification de la caisse d’allocations familiales ou de la Mutuelle sociale agricole ; 5° Date d’un recours exercé dans le cadre du droit au logement opposable, reconnu « PU DALO » ; 6° Lien de parenté avec les autres occupants ; 7° Caution : nom, prénom, adresse si différente. »
« II. - Données sur le local : 1° Type de local/Typologie de logement ; 2° Bail : date de signature, montant du loyer et des charges locatives, type de bailleur (privé ou social) ; 3° Coordonnées : numéro et complément de numéro, type de voie, nom de la voie, résidence, immeuble, étage, appartement, lieudit, code postal, ville. »
« III. - Autre(s) occupant(s) : 1° Etat civil : nom, prénom, date de naissance, sexe ; 2° Coordonnées : adresses postale et électronique, adresse de contact si différente du local, coordonnées téléphoniques ; 3° Bénéficiaire de l’aide personnalisée au logement, montant mensuel de l’aide personnalisée au logement ; 4° Numéros d’identification de la caisse d’allocations familiales ou de la Mutuelle sociale agricole ; 5° Date d’un recours exercé dans le cadre du droit au logement opposable, reconnu « PU DALO » ; 6° Lien de parenté avec les autres occupants ; 7° Caution : nom et prénom, adresse si différente. »
« IV. - Les données contenues dans les diagnostics sociaux et financiers transmis aux préfets, élaborés par les travailleurs sociaux, établis au stade de l’assignation afin d’éclairer la décision du juge, visées à l’article 12 du décret n° 2015-1394 du 30 octobre 2015 relatif à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, pris pour l’application des articles 27 et 28 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové : 1° Identification et composition du ménage ; 2° Caractéristiques du logement ; 3° Situation par rapport au logement, notamment données relatives à la procédure d’expulsion, à l’existence d’une demande de logement locatif social ou à un recours au titre du droit au logement opposable ; 4° Situation financière du ménage, notamment montant de la dette locative ; 5° Motifs de menace d’expulsion ; 6° Actions d’accompagnement social ou médico-social engagées. »
« V. - Les rapports de police mentionnant l’éventuel risque de troubles à l’ordre public. »
« VI. - Référent métier : nom et prénom de l’agent qui a créé le dossier. » »
Le § V à propos des rapports de police mentionnant l’éventuel risque de troubles à l’ordre public serait-il "de trop" ? La CNIL s’est penchée sur cette question : « S’agissant des rapports de police, ceux-ci sont rédigés uniquement à la demande du préfet afin d’évaluer le risque de trouble à l’ordre public au stade de la demande de concours de la force publique (CFP). Interrogé sur la nature des informations appelées à figurer dans ces rapports de police, le ministère indique que leur contenu n’est pas formalisé par les textes et que les informations se limiteront à un avis sur le risque éventuel de trouble à l’ordre public lors de l’expulsion, permettant, le cas échéant, au préfet de faire intervenir, la force publique. La commission considère que les données traitées sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées. »... Cela paraît bien timoré au regard des situations sociales rencontrées, vécues...
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