Le 30 août 2012, par Geneviève Koubi,
Le débat sur l’institution de quotas raciaux et sociaux à l’université au Brésil a-t-il trouvé son épilogue ? Seulement provisoirement. Et sur un seul terrain.
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Mené depuis une dizaine d’années, le débat sur la discrimination raciale et l’inégalité raciale dans ce pays, assis sur une lecture croisée entre les jeux d’une idée d’égalité nuancée et la dynamique de la reconnaissance mitigée des droits des minorités se verrait maintenant clos par la promulgation d’une loi dont l’intitulé est : Lei de Cotas Sociais. Non pas !
Bien que contestée par un certain nombre d’étudiants [1], cette loi - dont la constitutionnalité pourrait encore faire l’objet de polémiques - n’affiche pas directement, en son intitulé, son caractère racialisant. Toutefois, en termes politiques, un déplacement du débat sur les discriminations raciales persistantes vers les problématiques sociales de l’accès à l’éducation peut être décelé. Ce qui est présenté au cœur du projet concerne ainsi l’accès à l’enseignement supérieur public brésilien.
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Les politiques d’action positive répondent en fait au projet démocratique constitutionnel. La Constitution de la République fédérative du Brésil de 1988 a en effet pour objectifs fondamentaux de construire une "société libre, juste et solidaire" et ainsi "d’éradiquer la pauvreté, de lutter contre les exclusions et de remédier aux inégalités sociales et aux déséquilibres régionaux [2]. Le principe d’égalité n’y est pas strictement exposé sinon, outre le rappel de l’égalité des hommes et des femmes, sous sa forme atténuée d’un principe de non-discrimination [3].
Ainsi, le 26 avril 2012, la Cour suprême du Brésil en avait approuvé l’idée ; elle avait, à l’unanimité, admis que puissent être adoptées des mesures relevant de politiques de quotas raciaux, sous le couvert de quotas sociaux, dans les établissements d’enseignement supérieur. Dès lors, les universités pouvaient ainsi légalement "consacrer un certain pourcentage de places pour les étudiants d’origine africaine et / ou indigènes".
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Promulguée ce mercredi 29 août 2012 [4], la Lei de Cotas Sociais réserve la moitié des places dans les universités fédérales aux étudiants venant des écoles publiques et donne la priorité aux noirs, métis et indiens : « A lei prevê que as universidades públicas federais e os institutos técnicos federais reservem, no mínimo, 50% das vagas para estudantes que tenham cursado todo o ensino médio em escolas da rede pública, com distribuição das vagas entre negros, pardos ou indígenas. » [5]. La question sociale proprement dite, pourtant essentielle, n’est pas celle retenue. De ce fait, la mesure apparaît fondamentalement politique.
Pour les pouvoir publics brésiliens, la démocratisation de l’accès à l’université repose sur ces distinctions controversées qui accentuent la différenciation raciale au détriment de la prise en considération de la situation économique et sociale [6]. Les aspects les plus criants des inégalités dans l’accès aux études supérieures relèvent pourtant principalement de telles problématiques. Le ministre de l’éducation du Brésil a toutefois affirmé que le mécanisme préférentiel prévu par la loi a pour objectif de promouvoir l’insertion sociale et la qualité de l’enseignement supérieur public. « Ela falou que temos dois grandes desafios : um é o da inclusão, para permitir que um maior número de estudantes possa acessar a universidades. O outro é a meritocracia, a excelência das universidades. Os dois critérios têm que estar presentes na implantação dessa política ».
Aussi est-il signifié que l’application de cette loi est quasi-immédiate [7] - nonobstant le fait que certaines des universités fédérales avaient déjà mis en place de tels mécanismes et que doivent être redéfinis des coefficients permettant la sélection des étudiantes qui pourraient intégrer en bénéficier dès cette année.
Cependant, quelques questionnements interfèrent : les premiers concernent les conditions d’application de la loi pour les personnes concernées : avoir fait ses études secondaires dans des écoles publiques et être considérés comme relevant de catégories racialisantes données (Noir, Métis ou Indien) ; les seconds exigent de comprendre comment les calculs démographiques peuvent être réalisés : le nombre de places réservées doit ainsi être proportionnel à la composition de la population de chaque État du Brésil. Les techniques de recensement des populations acquièrent ainsi une autre dimension...
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[1] V. aussi, sur le blog d’un journaliste brésilien : Cotas raciais : contra e a favor.
[2] Art. 3° - Titre I : « Constituem objetivos fundamentais da República Federativa do Brasil : /I - construir uma sociedade livre, justa e solidária ; /II - garantir o desenvolvimento nacional ; / III - erradicar a pobreza e a marginalização e reduzir as desigualdades sociais e regionais ; /IV - promover o bem de todos, sem preconceitos de origem, raça, sexo, cor, idade e quaisquer outras formas de discriminação. »
[3] Art. 5 (longue énumération) Titre 2 (Dos Direitos e Garantias Fundamentais), chap. 1.
[4] V. Luana Lourenço : « Dilma sanciona Lei de Cotas e veta apenas artigo que criava mecanismo de seleção », Agência Brasil.
[5] Luana Lourenço, op. cit.
[6] Ce, en dépit même du fait que de telles politiques de quotas n’ont pas générées d’effets positifs suffisamment assurés, les États-Unis en sont d’ailleurs revenus...
[7] V. Amanda Cieglinski : « Lei de cotas em universidades já valerá para quem fizer Enem em 2012 », Agência Brasil.