Le 15 mai 2014, par Geneviève Koubi,
Dans la tenue des agents de police municipale, il y a beaucoup de « bleu », mais si les textes réglementaires disposent que la dominante de bleu est le « bleu foncé », il semblerait pourtant, dans les croisements opérés entre décret [1] et arrêtés que ce serait plutôt le « bleu gitane » [2].
Ce n’est pas par hasard qu’il n’y a pas de « bleu marine », cette couleur étant de celles pensées pour la police nationale. Il serait donc erroné de voir dans cette option un des aspects de la consigne générale quant à la neutralité - ainsi que le rappelle l’article 4 de l’arrêté 5 mai 2014 relatif aux tenues des agents de police municipale : « Aucun élément, ni insigne, ni signe porté sur les tenues ne doit avoir de lien avec une organisation politique, syndicale ou une appartenance religieuse. » ? (art. 4) [3]. On évoquera donc, pour la police municipale, plutôt le « bleu foncé »....
L’arrêté du 5 mai 2014 relatif aux tenues des agents de police municipale, pris en application de l’article L. 511-4 du code de la sécurité intérieure permet ainsi de décliner les différents bleus afin de « distinguer les tenues des agents de police municipale de celles portées dans la police nationale et dans la gendarmerie nationale » (art, 2, al. 1). Cet arrêté repose surtout sur l’annexe au décret n° 2004-102 du 30 janvier 2004 relatif à la tenue des agents de police municipale pris en application de l’article L. 412-52 du code des communes [4]. Dans cet objectif, ce serait plus la mention « municipale » à la suite du terme de « police » qui assurerait de la distinction entre les corps et cadres de la police ou de la gendarmerie. Toutefois, l’intensité des bleus utilisés pour les tenues de service joue également un rôle. .
Ainsi, « la couleur des tenues des agents de police municipale est à dominante bleu foncé, ponctuée d’éléments de couleur bleu ciel ou bleu gitane » (art. 2, 2°). Les références techniques sont celle de « Pantone », l’article 7 de l’arrêté précise donc que : « 1° Pour la couleur appelée "bleu gitane", la référence est Pantone 18-4148 TPX ; / 2° Pour la couleur appelée "bleu foncé", la référence est Pantone 19-3921 TPX ; / 3° Pour la couleur appelée "bleu ciel", la référence est Pantone 14-4115 TPX ».
Le sens des couleurs n’est pas anodin. Il est un des éléments substantiel de la tenue des policiers municipaux. L’article 6 de cet arrêté arrêté du 5 mai 2014 relatif aux tenues des agents de police municipale - qui expose la fiche technique des tenues des agents de police municipale -, s’en préoccupe de manière explicite. S’il s’investit dans les détails concernant les dimensions des lettres des mots « police » et « municipale » sur les blousons et vestes, il précise par exemple que « l’inscription "police municipale" figure, sur deux lignes, côté droit au porté, au-dessus des trois bandes de couleur bleu gitane » et, sur la face arrière, « à équidistance du pied de col et des trois bandes de couleur bleu gitane ». De plus « ces trois bandes de couleur bleu gitane sont apposées (...) à 2,5 mm de chaque extrémité du tissu rétroréfléchissant gris » et « à 10 mm de chacune de ces deux bandes est située la bande centrale de couleur bleu gitane, d’une largeur de 25 mm ».
De mêmes consignes techniques sont détaillées pour le marquage des pulls, des vestes polaires, des polos, et dans ce cas, « les trois bandes de couleur bleu gitane font le tour du vêtement ». Des relevés quant aux couleurs et mensurations se retrouvent aussi pour les chemises, les chemisettes pour lesquelles « l’inscription "police municipale" figure, en noir sur fond blanc ou en bleu gitane sur fond réfléchissant », comme pour les casquettes souples [5], les casques de motard (sur lesquels « les termes"police municipale" sont inscrits, sur la face arrière, en bleu gitane sur fond gris, sur deux lignes, de manière centrée ») [6], les casques de cycliste ou de patineur (l’inscription se réalisant « en blanc sur fond bleu gitane, sur une seule ligne »), voire encore « les épaulettes rigides, manchons souples, manchons plastifiés et grades de poitrine sur bande autoagrippante (qui) sont de couleur bleu gitane » [7] - à ce stade, rien n’est dit sur les cravates, sans doute parce qu’elles ne sont plus considérés comme strictement obligatoire dans les services de la police nationale...
Quoiqu’il en soit, que de calculs nécessaires ! Ils sont indispensables, et doivent être entendus au millimètre près pour assurer des distinctions entre les différents corps et grades dans la police...
Les jeux de couleurs ne revêtent donc pas un aspect dérisoire. Ils invitent à mieux comprendre les dissociations entre les services nationaux et municipaux. Mais, en même temps, ils permettent de mieux mettre en valeur les désignations « police » et « police municipale ». L’inscription de ces mots sur les habits portés par les agents en service étant un des principes de base des uniformisations vestimentaires.
Certes, pour les agents de la police municipale, d’autres marques peuvent aussi être apposées sur ces vêtements professionnels comme par exemple un « écusson aux armoiries de la commune » (ou de la communauté de communes). Mais il existe d’autres insignes qui répondent aussi à des modulations de couleurs, il en est ainsi par exemple pour les « insignes de grade », insignes qui ne se parent pas de bleu , gitane ou foncé [8]. Mais encore, « les écussons et les insignes métalliques de coiffes ou de casquettes, les couleurs nationales "bleu", "blanc", "rouge", le sigle "RF" (République française) et l’inscription "police municipale" sont obligatoires ».
Dans cet espace comme dans les cadrages nationaux, les saisonnalités interfèrent en binaire, laissant de côté le printemps et l’automne. Ainsi, pour les agents municipaux sont prévues : - deux tenues d’hiver, « tenue de service général d’hiver », - pour laquelle intervient (enfin !?) une mention sur la couleur des cravates : « Cravate de couleur bleu foncé avec élastique de sécurité anti-étranglement » - et une « tenue d’honneur ou de cérémonie d’hiver » ; et - deux tenues d’été, une « tenue de service général d’été » et une « tenue d’honneur ou de cérémonie d’été ».
C’est à propos de ces tenues, décrites aux articles 8, 9, 10 et 11 de l’arrêté, que l’on pourrait effectivement retravailler les couleurs, leur histoire et leurs significations politiques, administratives, sociologiques, ou plus valablement réétudier les couleurs des uniformes, des tenues de service dans les administrations, des consignes vestimentaires dans les services publics [9]. Mais, en la matière, ce sont surtout des couleurs qui jouent dans le « bleu » et qui tirent parfois sur le « gris »...
٭ En hiver :
la casquette est de couleur bleu foncé, et il est admis que « les agents de sexe féminin portent un chapeau bleu foncé ». L’agent relève de la ’police française’, « le bandeau est de couleur bleu gitane », y figure aussi l’insigne ’police municipale’, et lorsque la casquette est souple, ces mots sont « en blanc sur la face avant » ;
le blouson ou la veste trois quarts sont « de couleur bleu foncé » (et, « marqués sur les faces avant et arrière ’police municipale’ en blanc ou gris rétroréfléchissant, au-dessus d’une bande en tissu rétroréfléchissant gris, située autour de la poitrine et composée de trois bandes de couleur bleu gitane ») ;
les vêtements de pluie sont « de couleur bleu foncé de type imperméable ou ciré » (et, « marqués sur les faces avant et arrière « police municipale » en blanc ou gris rétroréfléchissant au-dessus d’une bande en tissu rétroréfléchissant gris, située autour de la poitrine et composée de trois bandes de couleur bleu gitane ») ;
les pulls sont « de couleur bleu foncé, à manches longues, avec trois bandes de couleur bleu gitane autour de la poitrine » (avec l’inscription ’police municipale’ en blanc » ;
la veste polaire est « de couleur bleu foncé, à manches longues, avec trois bandes de couleur bleu gitane autour de la poitrine » (avec inscription ’police municipale’ en blanc sur la face avant et dans le dos ») ;
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les chemises sont de couleur bleu ciel, à manches longues (les mots ’police municipale’ sont écrits « sur la face avant par bande autoagrippante) » ;
les polos sont « de couleur bleu foncé, à manches longues, avec trois bandes de couleur bleu gitane autour de la poitrine » (et ’police municipale’ inscrit « en blanc sur la face avant et dans le dos ») ;
le pantalon est « de couleur bleu foncé, du modèle ’ville’ ou ’ample adapté’, avec un passepoil vertical de couleur bleu gitane le long de chacune des deux jambes ». Les agents de sexe féminin peuvent porter « une jupe de couleur bleu foncé avec le même passepoil » ;
les chaussures doivent être « noires à lacets, basses ou montantes »,
les chaussettes sont soit noires ou soit « de couleur gris foncé ou bleu foncé », cependant, les agents de sexe féminin peuvent choisir porter « des collants de couleur chair ».
Pour les cérémonies, les couleurs ne changent que peu. Mais la casquette doit être « recouverte d’une coiffe blanche amovible ». Le blouson de cérémonie doit comporter des boutons. Les chemises sont blanches. Les galonnages sur épaulettes rigides sont « de couleur bleu gitane », et chacun doit se doter de « gants blancs » [10].
٭ En été :
Peu de différences sont perceptibles entre l’été et l’hiver. On retrouve les mêmes couleurs, les mêmes marquages.
Le blouson devient un « coupe-vent », il est estimé « de demi-saison » et est « de couleur bleu foncé ». Les chemises deviennent des chemisettes « de couleur bleu ciel, à col ouvert et à manches courtes », et le polo toujours bleu foncé se présente « à manches courtes ».
Le pantalon de couleur bleu foncé est toujours requis, mais une précision d’importance est introduite puisque, l’article 9 de l’arrêté arrêté du 5 mai 2014 relatif aux tenues des agents de police municipale prévoit, « en fonction des conditions climatiques locales » le port du « bermuda ou short de couleur bleu foncé ».
Pur ce qui concerne la tenue de cérémonie d’été, les mêmes consignes que pour l’hiver sont répétées, seuls les gants blancs ne sont plus mentionnés dans la liste.
Peut-être est-ce en cette saison que devrait être mentionnée « la tenue des agents affectés à la surveillance des plages » (art. 17). Pour ces derniers donc, leur casquette est souple de couleur bleu foncé ; ils portent un « haut de survêtement de couleur bleu foncé, avec trois bandes de couleur bleu gitane autour de la poitrine tandis que le « bas de survêtement (est) de couleur bleu foncé, avec un passepoil vertical de couleur bleu gitane le long de chacune des deux jambes ». Leur « maillot à manches courtes (est) blanc avec trois bandes de couleur bleu gitane autour de la poitrine, ils ont le droit de se vêtir de bermuda, short ou maillot de bain, mais ces effets doivent être « de couleur bleu foncé ». Sans ces attributs, les maîtres-nageurs-sauveteurs sur les plages ne sauraient être considérés comme relevant de la police municipale... Ces mots, comme pour tous les autres vêtements, doivent être inscrits visiblement.
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Les couleurs « bleu » se déclinent en tant de nuances ! Le terme de « bleu » est aussi tellement polysémique ! [11]
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Nb : Un autre arrêté, de même date, publié au même Journal officiel du 14 mai 2014, concerne aussi la police municipale. Il s’agit de l’arrêté du 5 mai 2014 relatif aux caractéristiques de la carte professionnelle des agents de police municipale, pris en application de l’article L. 511-4 du code de la sécurité intérieure. Il y est précisé à l’article 4 que « l’inscription "police municipale" est de couleur bleu gitane ».
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Bleu gitane. Telle est donc en filigrane la couleur dominante pour l’ordre public dans les municipalités... [12]
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[1] Cf. D. n° 2004-102 du 30 janvier 2004 relatif à la tenue des agents de police municipale pris en application de l’article L. 412-52 du code des communes.
[2] On notera toutefois que ce ne sont pas les "couleurs" qui ont retenu l’attention, mais plutôt les innovations ... par exemple, le port du gilet pare-balles : v. sur maire.info : Polices municipales : le gilet pare-balles désormais mentionné dans l’équipement autorisé.
[3] Et répété à l’article 6 e) : « Les éléments ou signes portés sur ces écussons et insignes ne doivent avoir aucun lien avec une organisation politique, syndicale ou une appartenance religieuse ».
[4] Une circulaire n° INT/D/07/00067/C du ministre de l’Intérieur du 11 juin 2007 relative à la carte professionnelle des agents de police municipale et autres équipements avait également évoqué cette question, rappelant notamment que « les agents de police municipale non revêtus de leurs attributs réglementaires ne sauraient exercer leurs missions sur la voie publique ».
[5] Le képi n’est plus à l’ordre du jour...
[6] Une description des casques est donnée à l’article 12 de l’arrêté arrêté du 5 mai 2014 relatif aux tenues des agents de police municipale : ils sont « blancs, entourés de trois bandes de couleur bleu gitane de part et d’autre de la visière, interrompues, sur la face arrière, par un rectangle gris, comportant l’inscription ’police municipale’ en bleu gitane » .
[7] Il serait utile d’ajouter là la tenue pour les brigades équestres, leur casque de cavalier est de couleur noire ou bleu foncé (art.15).
[8] Cf. Art. 18 de l’arrêté arrêté du 5 mai 2014 relatif aux tenues des agents de police municipale.
[9] Peut-être est-ce un thème à approfondir autrement que par un post sur un site web... V. par ex. M. Pastoureau, Bleu. Histoire d’une couleur, Le Seuil, 2000 ; G. Francequin, Le vêtement de travail, une deuxième peau, ERES, 2008 ; A.-D. Houte, « Prestiges de l’uniforme. Policiers et gendarmes dans la France du XIXe siècle », Clio 2012/2, p. 153 ; etc.
[10] Tout en signifiant que les agents motocyclistes doivent porter des « gants en cuir noir » lorsqu’ils sont en tenue de service normal...
[11] Et jouer sur les mots.... Avec du bleu à l’âme, le bleu se fait bizuter et compte ses bleus (hématomiques)...
[12] Un trait d’humour ’pas noir’ n’est-il pas utile pour terminer ces descriptions ministérielles ? Les résonances des ’gitanes bleues’ se coulent dans ce schéma, et de ce bleu, ne sont-elles pas plus « tabageuses » que « tapageuses » ?