Le 18 octobre 2013, par Geneviève Koubi,
C’est d’une proposition de loi (n° 119) déposée devant le Sénat en novembre 2012 et portant création d’une Haute autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales qu’est issue la loi n° 2013-921 du 17 octobre 2013 portant création d’un Conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics - publiée au Journal officiel du 18 octobre 2013.
La proposition de loi visait non pas seulement à juguler l’inflation normative, la logorrhée législative ou la surproduction normative concernant les collectivités territoriales mais aussi à instituer un "dispositif de contrôle" de la création de ces normes, ce dispositif s’entendant d’ordre consultatif - ce qui apparaît contradictoire. Il devait être destiné à alerter sur les difficultés d’application ou de réception des normes de toutes sortes exigeant des autorités locales une attention permanente au fil de leur insertion dans l’ordonnancement juridique. De nombreux rapports parlementaires avaient souligné les effets et les conséquences de la prolifération de règles diversifiées touchant à tous domaines - actant ainsi de l’intrusion permanente de l’État dans un cadre qui devait en être préservé, celui de la décentralisation.
Ainsi, le Titre I du Livre II du Code général des collectivités territoriales (CGCT) s’enrichit d’un nouveau chapitre intitulé « Le Conseil national d’évaluation des normes ». Ce Titre concernait seulement jusqu’alors le « Comité des finances locales ». On aurait pu estimer que l’institution du Conseil national d’évaluation des normes méritait d’être valorisée justifiant ainsi la création non pas d’un nouveau chapitre dans le Titre I du Livre II du CGCT mais un nouveau Titre. Tel n’est pas le cas. D’une part, le Conseil national d’évaluation des normes ne constitue pas en lui-même un nouveau titre de ce Livre [1], d’autre part il ne forme pas le chapitre premier de ce Titre I [2]. Le Comité des finances locales le précède, ce qui manifeste d’une certaine réticence à s’attacher aux modes d’application des normes juridiques. La question est calibrée autour des impacts "d’ordre financier et technique" - et non pas ou ou bien et/ou -, ainsi que les articles insérés dans le CGCT en attestent catégoriquement. Le Conseil national d’évaluation des normes composant le chapitre II et voyant ainsi sa mission resserrée autour des questions financières et techniques, l’importance à lui accorder dans l’espace du droit des collectivités territoriales s’en trouve d’emblée amoindrie.
Cette perception est confirmée à la lecture de la loi, ou plus justement du Chapitre II du Titre I du Livre II du CGCT qui, afin de ne pas briser les numérotations des articles codifiés [3], commence à l’article L. 1212-1 et se termine par l’article L. 1212-4, - ce dernier renvoyant au pouvoir réglementaire pour assurer les modalités d’application des dispositions incluses dans ce chapitre.
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L’article L. 1212-1 concerne l’organisation du Conseil national d’évaluation des normes. Cet article est divisé en trois paragraphes distinct qui, d’une certaine façon, manquent de lisibilité.
Le § I annonce que ce Conseil « est chargé d’évaluer les normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. Les avis rendus par la commission consultative d’évaluation des normes, ainsi que leurs motifs, sont réputés avoir été pris par le Conseil national d’évaluation des normes. » [4]
Le § II. fait état de la composition de ce Conseil ; en sont des représentants des administrations compétentes de l’État, du Parlement (députés et sénateurs) et des collectivités territoriales (conseillers régionaux, généraux ( ?), communautaires, municipaux). Les premiers cités dans cet article L. 1212-1 - II sont bien les représentants des administrations compétentes alors que l’énumération qui suit cette mention débute par les représentants du Parlement ; aucune précision n’est donnée à leur propos : il est seulement prévu que "9 représentants de l’État" en font partie. De plus, curieusement, c’est dans ce paragraphe qu’il est signifié que « Le conseil national peut solliciter pour ses travaux le concours de toute personne pouvant éclairer ses débats », comme si l’appel à une ’expertise’ extérieure s’enclenchait par rapport à la composition du Conseil...
Le § III. s’occupe rapidement de la désignation du président et des deux vice-présidents du Conseil national.
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C’est à l’article L. 1212-2 qu’est présentée la mission de ce Conseil dont on sait déjà par l’article précédent qu’il ne fait que donner des avis.
En voici la teneur en sept paragraphes :
« //I. - Le Conseil national d’évaluation des normes est consulté par le Gouvernement sur l’impact technique et financier, pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, des projets de textes réglementaires créant ou modifiant des normes qui leur sont applicables. / Il est également consulté par le Gouvernement sur l’impact technique et financier des projets de loi créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. / Il émet, à la demande du Gouvernement, un avis sur les projets d’acte de l’Union européenne ayant un impact technique et financier sur les collectivités territoriales ou leurs établissements publics. / Sont exclues de la compétence du conseil national les normes justifiées directement par la protection de la sûreté nationale. // II. - Le président d’une assemblée parlementaire peut soumettre à l’avis du conseil national une proposition de loi ayant un impact technique et financier sur les collectivités territoriales ou leurs établissements publics déposée par l’un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s’y oppose. // III. - A la demande de son président ou du tiers de ses membres, la commission d’examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs peut, avant de prononcer son avis définitif, soumettre un projet de norme d’une fédération délégataire à l’avis du conseil national. // IV. - Le conseil national peut se saisir de tout projet de norme technique résultant d’activités de normalisation ou de certification ayant un impact technique ou financier pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics. // V. ― Le conseil national peut être saisi d’une demande d’évaluation de normes réglementaires en vigueur applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics par le Gouvernement, les commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat et, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, par les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. /Il peut se saisir lui-même de ces normes. / Le conseil national examine les évolutions de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics et évalue leur mise en œuvre et leur impact technique et financier au regard des objectifs poursuivis. / Le conseil national peut proposer, dans son avis d’évaluation, des mesures d’adaptation des normes réglementaires en vigueur qui sont conformes aux objectifs poursuivis si l’application de ces dernières entraîne, pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, des conséquences matérielles, techniques ou financières manifestement disproportionnées au regard de ces objectifs. / L’avis rendu par le conseil national sur des dispositions réglementaires en vigueur peut proposer des modalités de simplification de ces dispositions et l’abrogation de normes devenues obsolètes. // VI. - Le conseil national dispose d’un délai de six semaines à compter de la transmission d’un projet de texte mentionné au I ou d’une demande d’avis formulée en application des II ou III pour rendre son avis. Ce délai est reconductible une fois par décision du président. A titre exceptionnel et sur demande du Premier ministre ou du président de l’assemblée parlementaire qui le saisit, il est réduit à deux semaines. / Par décision motivée du Premier ministre, ce délai peut être réduit à soixante-douze heures. Dans ce cas, le dernier alinéa du présent VI n’est pas applicable. / A défaut de délibération dans les délais, l’avis du conseil national est réputé favorable. / Lorsque le conseil national émet un avis défavorable sur tout ou partie d’un projet de texte mentionné au premier alinéa du I, le Gouvernement transmet un projet modifié ou des informations complémentaires en vue d’une seconde délibération. // VII. ― Les avis rendus par le conseil national en application des I, III, IV et V sont rendus publics. / Les avis rendus sur les propositions de loi en application du II sont adressés au président de l’assemblée parlementaire qui les a soumises, pour communication, aux membres de cette assemblée. / Les travaux du conseil national font l’objet d’un rapport public annuel remis au Premier ministre et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. »
A l’attention des étudiant-e-s [5], cet article pourrait faire l’objet d’un sujet d’examen, en sa totalité comme par extrait. Néanmoins, ce qui ressort de la présente lecture ici proposée est seulement de signifier que la problématique de la prolifération normative semble être réduite aux "impacts financiers et techniques" des divers textes qui pourraient toucher aux activités et actions des collectivités territoriales. L’un des domaines directement visé est celui du sport, ou plus justement des équipements sportifs, mais, évidemment, ce n’est pas le seul concerné. Un aspect plus particulier doit être toutefois surélevé, celui qui s’intéresse aux normes juridiques d’une autre portée que technique et/ou financières. Mais il se trouve que la mention relative aux "mesures d’adaptation des normes réglementaires en vigueur" est vite refermée sur les "conséquences matérielles, techniques ou financières" [6]...
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Toutes ces dispositions sont comprises, suivant l’article L. 1212-4, en attente d’un décret en Conseil d’État qui doit en préciser les modalités d’application. Toutefois, elles ne prendront effet qu’à la "date d’installation du Conseil national d’évaluation des normes".
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[1] Le Titre III est consacré au Conseil national des élus locaux, le Titre IV au Conseil national des opérations funéraires.
[2] Qui accole dans son nouvel intitulé le Comité des finances locales et ledit Conseil.
[3] Et, peut-être, est-ce l’une des raisons pour laquelle le Comité des finances locales n’a pas été glissé dans le chapitre II ?
[4] L’article 2 - II de la loi n° 2013-921 du 17 octobre 2013 précise ainsi que « Les projets de texte soumis à la commission consultative d’évaluation des normes, à l’égard desquels elle n’a pas émis d’avis à la date d’installation du Conseil national d’évaluation des normes, sont soumis de plein droit à ce dernier. ».
[5] -Cours concerné : Droit des collectivités territoriales.
[6] La proposition de loi initiale avait ouvert plus largement les possibilités de consultation sur les "politiques publiques". Elle présentait la mission de la "Haute autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités territoriales" comme devant « contrôler l’ensemble des normes applicables ou susceptibles d’être appliquées aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. »