Le 16 septembre 2010, par Geneviève Koubi,
Il existe bien des circulaires tirant les conséquences des décisions de justice, qu’il s’agisse d’arrêts de la Cour de Cassation ou du Conseil d’Etat (le plus souvent) [1]. Maintenant, une étude serait à commencer sur les « circulaires tirant les conséquences des décisions du Conseil constitutionnel en matière de questions prioritaires de constitutionnalité ».
La circulaire du ministre de l’intérieur du 20 juillet 2010 (IOCA1019440C) relative à l’abrogation de l’article L. 7 du code électoral en constitue un des premiers exemples.
L’intitulé de cette circulaire prête à confusion ; la circulaire ne porte pas abrogation de la disposition en cause, elle a « pour objet de tirer les conséquences de la censure par le Conseil constitutionnel des dispositions de l’article L. 7 du code électoral »... — ce qui, en tout état de cause, ne devrait être formellement réalisé que par le législateur. Toutefois, en relevant qu’une disposition législative est contraire à la Constitution, le Conseil constitutionnel peut signifier à cette occasion son retrait de l’ordre juridique et estimer que ce retrait s’applique « à compter du jour de publication de la décision ».
La circulaire fait directement référence à la décision n° 2010-6/7 QPC du 11 juin 2010 du Conseil constitutionnel par laquelle le Conseil a considéré « que l’abrogation de l’article L. 7 du code électoral permet aux intéressés de demander, à compter du jour de publication de la présente décision, leur inscription immédiate sur la liste électorale dans les conditions déterminées par la loi ». Le rejet d’une notion de "sanction automatique" sous-tend l’argumentation du juge puisque cet article composait « une peine privative de l’exercice du droit de suffrage ... attachée de plein droit à diverses condamnations pénales sans que le juge qui décide de ces mesures ait à la prononcer expressément ».
Le raisonnement exposé dans la circulaire du 20 juillet 2010 semble quelque peu distancé par rapport à celui mené par le Conseil constitutionnel. En effet, le Conseil constitutionnel avait surtout relevé le fait que « la radiation des listes électorales constitue une sanction ayant le caractère d’une punition » et que, comprise comme une "peine accessoire", elle était « à la fois automatique et insusceptible d’être individualisée », méconnaissant ainsi le principe d’individualisation des peines. Dans la circulaire, c’est principalement ce principe qui est retenu, une impasse est faite sur le caractère automatique de cette peine accessoire. Aussi s’attache-t-elle à rappeler que le juge judiciaire a toujours la possibilité de se référer à un autre article, du Code pénal cette fois-ci, pour assortir une sanction pénale de peines complémentaires...
En même temps, le Conseil constitutionnel avait clairement exposé les conséquences de sa décision : l’abrogation de l’article L. 7 du code électoral permet aux intéressés de demander leur inscription immédiate sur la liste électorale. L’explicitation administrative de cette formule se réalise suivant d’autres logiques que celles déterminées par la loi. La circulaire est, en effet, construite à partir du rappel des circuits administratifs qui président à l’inscription et à la réinscription sur les listes électorales (demandes à déposer, délais, domicile, etc.).
Elle signale alors que la réinscription n’est pas automatique [2] :
Elle ajoute que l’INSEE doit constater que les personnes concernées ont recouvré leur droit de suffrage et d’éligibilité [3] :
Le marqueur "immédiat" est donc décalé, pourtant tel n’est pas le principal intérêt de cette circulaire.
En effet, c’est à propos de l’interprétation de la décision du Conseil constitutionnel que les questions devraient être soulevées : si l’emploi du terme de "censure" est suffisamment révélateur pour être souligné, d’autres approches sont possibles.
Certes, ce sont essentiellement des "conséquences techniques" qui font la matière de la circulaire du 20 juillet 2010. Mais, sur le plan "interprétatif", une comparaison entre le communiqué du Conseil constitutionnel sur cette décision 2010 6/7 QPC, le commentaire présenté aux Cahiers du Conseil constitutionnel (n° 29), la circulaire elle-même et la décision 2010 6/7 QPC, ne serait pas inutile...
..................... Elle tracerait peut-être les lignes d’une prochaine étude, plus générale... c’est-à-dire lorsque plusieurs circulaires administratives auront été rendues sur les conséquences à tirer de décisions QPC du Conseil constitutionnel...
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[1] V. G. Koubi, : « Circulaires interprétatives et jurisprudence administrative », Les Petites Affiches 1996, n° 11, p. 17.
[2] L’image est tirée de la circulaire du 20 juillet 2010.
[3] L’image est tirée de la circulaire du 20 juillet 2010.