Le 15 avril 2012, par Geneviève Koubi,
La direction de l’information légale et administrative (DILA) changera-t-elle, encore une fois, de modes de fonctionnement ? L’arrêté du 13 avril 2012 portant organisation de la direction de l’information légale et administrative [1] abroge l’arrêté du 11 janvier 2010 portant organisation de la direction de l’information légale et administrative précédent [2]. Il poursuit le jeu du resserrement des fonctions sous la posture centrale du Premier ministre, ce mouvement a certes été impulsé par la RGPP mais il répond plus sûrement à une stratégie de surveillance et de contrôle de l’information gouvernementale [3]...
Les visas de cet arrêté font état, en sus du décret n° 2010-31 du 11 janvier 2010 relatif à la direction de l’information légale et administrative [4], du décret n° 2010-32 du 11 janvier 2010 modifié instituant un conseil d’orientation de l’édition publique et de l’information administrative. Ce dernier avait ainsi placé ce conseil auprès du Premier ministre lui attribuant « une fonction d’évaluation, d’expertise et de conseil dans les domaines suivants : - l’édition publique et les publications administratives, quel que soit leur support ; - l’information et le renseignement administratifs ; - la mise à disposition des données publiques. » Cette précision s’avère essentielle à la lecture du contenu de l’arrêté [5].
Aux termes de l’article 1er de cet arrêté du 13 avril 2012, « la direction de l’information légale et administrative comprend, outre le département de la communication, le secrétariat du conseil d’orientation de l’édition publique et de l’information administrative et un chargé de mission, directement rattachés au directeur : - la délégation à l’innovation, au développement et à la stratégie ; - la sous-direction des publics et des produits ; - le secrétariat général. » En fait, il s’agit surtout de supprimer quelques-unes des sous-directions existantes [6] et de les dispatcher au sein de ces cadres.
Toutefois si la "stratégie" est le mot-clef de cette reconfiguration, aucune mention spécifique n’est introduite à propos de la délégation sus-nommée sinon, in fine, en l’article 2 de l’arrêté du 13 avril 2012 : « La délégation à l’innovation, au développement et à la stratégie connaît de l’ensemble des projets structurants de la direction. Elle coordonne les partenariats interministériels. Elle définit la stratégie et s’assure de sa mise en œuvre. »
Dès lors il s’agit de retenir que la sous-direction de l’édition et de la production est remplacée par la sous-direction des publics et des produits... et que la sous-direction de la diffusion et de l’administration électronique disparaît. Il serait cependant erroné de penser qu’elle n’apparait plus comme essentielle ; plus exactement, il semblerait que l’objectif stratégique de la communication gouvernementale est de faire en sorte que ces deux sous-directions soient fusionnées. En effet, au titre des missions de la sous-direction des publics et des produits, se trouve « la mission "Information régalienne, administrative et économique" qui regroupe : le département de l’information régalienne et économique ; le département de l’information administrative multicanal ; le département des produits et services numériques ; le centre d’appels interministériel. » L’emploi de l’expression "information régalienne" renforce le projet d’une information gouvernementale restructurée autour de la seule figure du Premier ministre, chef du Gouvernement...
Pour autant, c’est surtout cette sous-direction des publics et des produits qui justifie l’édiction de l’arrêté du 13 avril 2012. Elle en est le sujet central. En quelque sorte, elle est l’émanation de la DILA si l’on s’en tient au dispositif du décret n° 2010-31 du 11 janvier 2010 relatif à la direction de l’information légale et administrative. En retraduisent les enjeux les données de l’article 2 du décret : la DILA « est chargée des tâches suivantes : /1° Elle diffuse l’ensemble des données dont la publication est obligatoire en vertu des lois et des règlements ou qui nécessitent des garanties particulières de fiabilité. / Elle assure plus particulièrement : - l’édition et la diffusion des lois, ordonnances, décrets et autres actes ou documents administratifs qui doivent être publiés au Journal officiel de la République française ; - la publicité des débats parlementaires ; - la publication des informations contribuant à la transparence de la vie associative, économique et financière ; - la mise à disposition du public des données qui facilitent l’accès au droit ; /2° Elle assure la conception et le fonctionnement de services d’information utilisant différents supports qui permettent aux citoyens de connaître leurs droits et obligations et facilitent leurs démarches ; elle met à la disposition du public un service de renseignement par téléphone ; / 3° Elle favorise l’accès des citoyens à la vie publique et au débat public par l’édition et la diffusion de publications, la mise à disposition de documents et d’espaces de diffusion sur l’internet ; à cet effet, elle peut agir comme imprimeur, éditeur ou diffuseur pour le compte d’administrations et d’organismes publics ou publier pour son compte propre des périodiques et ouvrages de vulgarisation sous la marque éditoriale de la Documentation française ; / 4° Elle prépare la politique interministérielle dans le domaine de la diffusion légale, de l’information administrative et de l’édition publique ; elle assure, à ce titre, le secrétariat du conseil d’orientation de l’édition publique et de l’information administrative. »
Suivant les ’éléments de langage’ en vigueur - en accointance avec les logiques de marché -, les publications sont des "produits" et les collections des éditeurs sont des "marques" - ce que l’arrêté du 11 janvier 2010 avait déjà entériné, mais que l’arrêté du 13 avril 2012 étend : seule La Documentation française disposait de ce label de "marque" en 2010, et maintenant en bénéficient ( ?) aussi Les éditions du Journal officiel : « la sous-direction des publics et des produits assure la diffusion du droit et la transparence économique et financière. Elle effectue des travaux d’édition ou d’impression que la direction réalise pour son compte propre ou pour le compte d’administrations et d’organismes publics. Ces travaux peuvent donner lieu à publication sous la marque "La Documentation française" ou "Les éditions des Journaux officiels". » (art. 3)
Puisque, désormais, le mot "publics" est inséré dans l’intitulé de cette sous-direction, il apparaît qu’elle doit également« rassemble(r) et valorise(r) un fonds documentaire accessible au public » de même qu’ « informe(r) ou renseigne(r) les usagers et les citoyens sur leurs droits et obligations ainsi que sur les institutions et la vie publique, et facilite leurs démarches administratives » (art. 3). Les termes ici utilisés sont de peu de force : il ne s’agit plus de permettre aux citoyens de "connaître" leurs droits et obligations, comme l’entend le décret du 11 janvier 2010, mais seulement de les "informer" et de les "renseigner" sur ces points ; le principe de l’accès au droit s’en trouve édulcoré.
Le même article 3 prolonge cette atténuation de la prise en considération des droits des administrés en insistant sur l’utilité du resserrement de l’information dite légale mais qui se présente de nature gouvernementale : « A cet effet, elle met en œuvre des partenariats permettant de renforcer la coopération interministérielle, dans le cadre des orientations proposées par le conseil d’orientation de l’édition publique et de l’information administrative, notamment en matière d’édition publique, de publication et d’information administrative. » Le langage reste marchand-disant :« Elle conçoit des services, produit des contenus et met à disposition des ressources documentaires par l’internet ou en apportant des renseignements par téléphone, ou tout autre support. / Elle est chargée de la promotion et de la diffusion des fonds documentaires et des contenus éditoriaux ainsi que de la logistique des ventes. » [7]
Le décret du 11 janvier 2010 relatif à la direction de l’information légale et administrative prévoit pourtant, dans le premier alinéa de son article 1er, que « la direction de l’information légale et administrative est garante de l’accès au droit. Elle veille à ce que les citoyens disposent des informations nécessaires à leurs démarches administratives ainsi qu’à la connaissance de leurs droits et de leurs obligations. Elle contribue à la transparence de la vie publique, économique et financière... »
A suivre donc...
[1] publié au Journal officiel du 15 avril 2012.
[2] Pourtant, à comparer ces deux textes, le "vide" que l’abrogation suscite laisse perplexe. Serait-il possible d’en déduire que de prochains textes devraient intervenir par la suite ?
[3] V. par ex., Gk, « Bientôt la DILA, la "dit-là" ». NB : les meilleures informations sur le thème des éditions publiques se trouvent sur le blog : precisement.org.
[4] Dont l’article 1er rend directement compte du souci de recentralisation de l’information : « Il est créé une direction de l’information légale et administrative placée sous l’autorité du Premier ministre et rattachée au secrétaire général du Gouvernement. »
[5] On peut aussi s’interroger sur la conjonction entre cet arrêté et la circulaire du 29 mars 2012 relative à l’efficience des activités de publication de l’État : v. à ce propos, G. Koubi,« L’efficience recherchée de l’édition étatique ».
[6] Les réorientations et les primes de restructurations pour les agents publics concernés ayant déjà été envisagées.
[7] Comment ne pas déceler derrière ces mots si ce n’est une privatisation larvée de l’édition publique, au moins une recherche de rentabilité ? Faut-il (se) dire "dont acte" ?