Le 19 avril 2012, par Geneviève Koubi,
Dans une circulaire en date du 30 mars 2012 (IOCK/12/07279C), mise en ligne sur le site circulaires.gouv au 16 avril 2012, le ministre de l’intérieur annonce d’emblée que la codification réalisée, pour un Code de la sécurité intérieure, répond au principe de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi. Or, en cette circulaire, il trouve nécessaire d’expliciter, notamment à l’adresse des préfets, les "circonstances" de l’entrée en vigueur de la partie législative du Code de la sécurité intérieure [1].
Le premier paragraphe de la circulaire du 30 mars 2012 semble ne donner qu’une description laconique du Code de la sécurité intérieure [2]. La circulaire en répertorie les différents Livres, exposés en l’occurrence sous le label de "thématiques" [3]. Elle enfile les différentes lois pensées "entièrement codifiées", - parfois réécrites et réinterprétées même si la référence à la notion de "droit constant" y est insérée - ; ces lois sont alors abrogées - neutralisant ainsi les origines historiques de chacune des références alignées. La circulaire signale aussi les lois, plus nombreuses que les premières, qui n’ont pas été reprises intégralement dans le code [4]. Par ailleurs, une précision spécifique, liée à la mise en perspective de la notion de "droit constant", est insérée dans la circulaire. Elle concerne les "erreurs matérielles" - qui ont été corrigées tardivement -, ces erreurs portant sur les enquêtes administratives préalables à l’admission dans la réserve civile de la police nationale et les traitements automatisés de données à caractère personnel...
Les énumérations retracent le souhait du gouvernement d’effacer l’ensemble du corpus juridique antérieur. Le rassemblement des dispositifs relatifs à la sécurité intérieure dans ce seul code paraitrait indispensable non pas tant pour assurer de la lisibilité des normes par les citoyens que pour donner aux acteurs de la sécurité des moyens pour justifier leurs activités. Or, dans un climat mettant toujours la question sécuritaire au centre des actions publiques, un tel code reste indéfiniment inachevé. Ainsi, le ministre signale-t-il que la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif n’a pas pu être intégrée au Code, l’ordonnance datant du 12 mars... mais qu’elle le sera prochainement.
Par la suite, alors même que le Code de la sécurité intérieure aurait été élaboré "à droit constant", le ministre a pensé utile de rendre compte, dans le deuxième paragraphe de la circulaire du 30 mars 2012, des conséquences de son entrée en vigueur en insistant sur la problématique de l’abrogation des lois désormais codifiées. Le ministre s’inquiète ainsi du fait que la rédaction de la partie réglementaire n’est pas achevée ; il est ainsi conduit à invoquer l’article 20 de l’ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 qui prévoit que l’abrogation de certaines des dispositions citées « ne prendra effet qu’à compter de la publication des dispositions réglementaires correspondantes du code de la sécurité intérieure » [5].
Le ministre de l’intérieur semble cependant regretter que la matière de la sécurité publique ne relève pas exclusivement de ce nouveau code. En effet, il s’attache à signaler quels sont les autres codes contenant des dispositions en relevant. Il cite ainsi le Code des communes, le Code général des collectivités territoriales, le Code de la construction et de l’habitation, le Code du travail, le Code des transports, et,évidemment,le Code de la défense, le Code pénal, et le Code de procédure pénale. La liste présentée des codes intégrant quelques données relatives à la sécurité intérieure n’est certainement pas complète ; elle s’appuie principalement sur les renvois qui ont été insérés du Code de la sécurité intérieure vers ces autres codes. L’absence de toute mention du Code de la santé publique ou du Code des douanes pourrait surprendre, mais les renvois sont limités.
Sans doute sont-ce les codes ici cités qui exigeraient le plus de précaution dans le maniement des combinaisons de normes puisque justement des renvois ont été opérés, mais le ministre omet de rappeler les principes d’un État de droit, d’un État soumis au droit, de rappeler qu’un code ne forme qu’une partie des normes applicables à une matière donnée, que les principes constitutionnels, les normes internationales, d’autres textes législatifs, doivent tout autant être scrupuleusement respectés.
En fait, cette circulaire a principalement pour objet de prévenir, rappeler, signaler, explicitement, que la date de l’entrée en vigueur du Code de la sécurité intérieure est le 1er mai 2012... Donc dès ce jour, les visas, les appuis, les références pour toute action publique en matière de sécurité intérieure doivent citer les articles correspondants de ce code.
La fonction du Code de la sécurité antérieure n’étant pas encore entrée dans les moeurs, il est demandé toutefois aux agents de mentionner à la fois le texte antérieur et le texte nouveau. La formule à utiliser, jusqu’au 1er juillet 2012, est ainsi allongée : l’article ... de la loi n°... du .... devenu article ... du Code... [6].
Il fallait bien une circulaire pour le dire !!
[1] NB : la circulaire du 30 mars 2012 relative à l’entrée en vigueur de la partie législative du code de sécurité intérieure est placée dans la catégorie : "Directives adressées par le ministre aux services chargés de leur application, sous réserve, le cas échéant, de l’examen particulier des situations individuelles" ; elle s’entend aussi bien d’une "instruction aux service déconcentrés" que d’une "instruction du Gouvernement".
[2] NB : La loi de ratification n’a pas encore été votée. Ce code n’est pas encore inséré dans la liste des codes consultables sur Legifrance. Mais, au vu des perspectives ouvertes par la circulaire, le sera-t-il au 1er mai 2012 ?
[3] le plan détaillé du Code est donné en annexe 1.
[4] V. Gk, « Etat d’un Code de la sécurité intérieure... ».
[5] C’est le cas pour : « - 1° L’article 33-4 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité ; 2° Le septième alinéa de l’article 23-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité. Jusqu’à son abrogation, cet alinéa est ainsi rédigé : "Est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe le fait d’organiser un rassemblement mentionné à l’article L. 211-5 du code de la sécurité intérieure sans déclaration préalable ou en violation d’une interdiction prononcée par le représentant de l’Etat ou, à Paris, par le préfet de police. Le tribunal peut prononcer la confiscation du matériel saisi." ; 3° Le troisième alinéa de l’article 4-1 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Jusqu’à son abrogation, cet alinéa est ainsi rédigé : "Le manquement aux obligations définies à l’article L. 411-8 du code de la sécurité intérieure, hors le cas de force majeure, est puni des peines applicables aux contraventions de la cinquième classe." ».
[6] Les tables de concordance ont été établies - annexe 2 -, comme ce fut le cas pour tous les autres codes nés des processus de codification "à droit constant".