Le 24 novembre 2011, par Geneviève Koubi,
Mise en ligne sur le site ’circulaires.gouv.fr’ le 22 novembre 2011 et devant être publiée au BO MCC n° 204, une circulaire du 15 novembre 2011 est relative au cycle de vie et dématérialisation des dossiers de demande de titre de séjour des ressortissants étrangers gérés par les préfectures et profil du standard d’échange des données pour l’archivage (SEDA [1]) s’y rapportant ; elle se présente comme une « refonte de la circulaire AD 94-7 du 5 juillet 1994 pour la partie relative aux titres de séjour des étrangers et prise en compte de la dématérialisation de ces dossiers » [2] mais elle modifie aussi la lecture de la circulaire PRM/X/0105139/C du 2 novembre 2001 relative à la gestion des archives dans les services et établissements publics de l’État, – laquelle a été publiée au Journal officiel du 4 novembre 2001.
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Prenant en considération la « dématérialisation croissante » des dossiers des étrangers, lesquels sont largement numérisés puisqu’intégrés dans multiples traitements automatisés de données à caractère personnel, cette circulaire du 15 novembre 2011 relative au cycle de vie et dématérialisation des dossiers de demande de titre de séjour des ressortissants étrangers gérés par les préfectures et profil du standard d’échange des données pour l’archivage se préoccupe surtout de l’échange des données archivées en conformité avec le référentiel général d’interopérabilité [3] (RGI).
L’une des questions principales que la circulaire du 15 novembre 2011 doit résoudre est celle de l’archivage des demandes de visa, de titre de séjour en fonction de la « durée d’utilité administrative » du dossier correspondant [4]. Cette notion n’est pourtant pas strictement définie juridiquement, elle repose sur les délais de conservation prévus dans la constitution des traitements automatisés, notamment en référence à l’application de gestion de dossiers des ressortissants étrangers (AGDREF). La circulaire rappelle alors quels sont les évènements qui peuvent être distingués pour déterminer cette durée [5] qui, généralement, est de 5 années [6]. Cette stratégie de conservation voudrait répondre à un souci essentiel qui fonde tout le régime des archives administratives : l’histoire.
Cependant, cette circulaire pâtit des changements de registre : alors qu’elle prétend se préoccuper de l’archivage en termes de ‛traces historiques’, quelques-unes de ses formules s’insèrent dans le cadre d’un temps plus que ‛présent’.
Sur le plan d’une conservation pour l’historique non de l’immigration mais plutôt de la gestion administrative des demandes d’entrée et de séjour des étrangers en France, la circulaire ne peut que constater les différences quant à la masse d’informations à stocker entre les départements, la méthode de l’échantillonnage devant alors permettre des modulations selon la densité démographique de chacun d’entre eux. L’indexation des documents conservés répond alors à des normes techniques minimales : n° AGDREF ; données personnelles (nom, prénom, date de naissance, etc.) ; nationalité ; dernière mesure dont a bénéficié [7] l’étranger. Les images et les mentions manuscrites ne sont pas numérisées, elles sont conservées « à part » et sur papier [8], les préfectures devant alors trier les documents, au terme d’un délai de quinze ans [9]. La circulaire rappelle alors que la numérisation suppose la destruction des documents papiers correspondants.
En tenant compte des transformations dues à la numérisation, la circulaire du 15 novembre 2011 relate les évolutions de l’application AGDREF. Celle-ci, créée en 1993, n’avait pas prévu l’archivage des dossiers puisque, suivant les consignes générales de la CNIL, les fichiers ne pouvaient être indéfiniment maintenus. Plus exactement, il était nécessaire de les « purger », ce qui fut fait jusqu’en 2004 pour tous les dossier clos avant 1997 [10] et de ce fait, « il n’y a pas d’information conservée au niveau central » pour ce qui les concerne. Puisque la perspective historique est présentée comme la principale justification de l’archivage des dossiers des étrangers, voulant alors pallier la « perte des informations d’AGDREF », quelques ‛préconisations’ sont avancées : les dossiers papiers encore existants qui auraient échappé à la purge ou n’auraient pas encore été triés doivent être conservés intégralement ; les dossiers numérisés ne doivent pas être modifiés et doivent être indexés.
Il n’en demeure pas moins que certains des titres refusés ou attribués ont fait l’objet de recours contentieux. Et, la justice ne fonctionnant pas sur le mode de l’accélération pour ce qui concerne les décisions administratives individuelles, même si le délai d’utilité administrative est dépassé, le dossier peut être toujours en instance. Dans ce cas, la garde de l’intégralité du dossier papier jusqu’à la clôture du contentieux est indispensable. Il ne s’agit donc plus là de répondre directement à une problématique de conservation... Cependant, il est précisé que le versement aux archives de ces dossiers, préalablement sélectionnés, doit se réaliser au terme des 5 ans suivant la décision juridictionnelle définitive [11].
Après avoir signifié ces généralités quant à la constitution de ces archives publiques, la circulaire du 15 novembre 2011 présente les « profils » indispensables pour l’organisation des échanges comme pour la consultation des dossiers à archiver dans les préfectures en rappelant les normes techniques applicables [12]. En effet, « le standard précise le contenu et la structure des messages échangés, suivant qu’on souhaite effectuer un versement, éliminer des archives, communiquer ces archives, ou éventuellement les restituer. » [13]. Le « profil » est un outil essentiel dans le schéma de l’interopérabilité [14] ; il détermine les modes de sélection des dossiers qui seront transférés à la fin de leur durée d’utilité administrative, la structure et le contenu du bordereau de versement aux archives, les formats de fichiers retenus [15].
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Reste à savoir quels sont les critères retenus pour les tris effectués dans les préfectures...
[1] NB : selon l’instruction DGP/SIAF/2010/002 du 15 février 2010 relative à la nouvelle version du standard d’échanges de données pour l’archivage : « L’intégration du SEDA dans les systèmes d’information, vise à éviter les ruptures de charge entre les différents partenaires et par exemple à éviter que des données descriptives identifiant des dossiers, qui sont enregistrées dans un système d’information, soient re-saisies manuellement par les services producteurs préalablement au versement des dossiers, sous la forme d’un bordereau de versement, puis re-saisies ensuite par le service d’archives dans son propre système d’information. La dématérialisation croissante des procédures et la masse des fichiers à verser qui en résultera imposent de passer à un processus de transfert automatisé. »
[2] Cette circulaire AD 94-7 du 5 juillet 1994 est relative au traitement et à la conservation des documents liés à la nationalité, produits dans les préfectures et sous-préfectures (état civil, naturalisation, étrangers). V. aussi la note AD 2721 du 12 avril 1991 relative à l’archivage des dossiers d’étrangers.
[3] V. par ex. Instr. DITN/RES/2009/009 du 17 novembre 2009 concernant la publication du référentiel général d’interopérabilité, lequel s’entend en rapport avec l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives.
[4] V. les éléments présentés à l’annexe 2 de ladite circulaire, lesquels intégrent évidemment les changements intervenus du fait de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.
[5] ... lesquels retiennent toute une palette allant du décès de l’étranger concerné jusqu’à 5 ans après sa naturalisation ou la fin de la validité du titre attribué.
[6] Sauf pour les étrangers qui ont fait l’objet d’une mesure d’interdiction judiciaire définitive du territoire, le dossier étant alors conservé tant que la mesure reste exécutoire, … c’est-à-dire définitivement !
[7] Dans la circulaire, le mot est ‛bénéficier’, la correction orthographique relève de Gk.
[8] Tout en faisant remarquer que la mise en œuvre prochaine de AGREDF2 permettra la numérisation de ces données.
[9] Ceci par rapport à la plus longue durée de séjour : 10 ans, à laquelle s’ajoutent les 5 ans.
[10] Va-t-on le croire ? Sans doute.
[11] Renvoi est fait à l’instruction DAF/DPACI/RES/2009/019 du 10 août 2009 relative au traitement des archives produites par les juridictions administratives de droit commun. V. aussi, pour comparaison : Circ. AD 98-7 du 3 juillet 1998 relative au traitement des archives des juridictions administratives.
[12] V. Instr. DGP/SIAF/2010/002 du 15 février 2010 relative à la nouvelle version du standard d’échanges de données pour l’archivage : « Le standard d’échange de données pour l’archivage est conçu pour faciliter les échanges d’archives électroniques dans le secteur public comme dans le secteur privé. Il fournit un modèle pour les différentes transactions qui interviennent entre un service d’archives et ses partenaires (transfert, demande préalable de transfert, communication, modification, élimination et restitution). »
[13] Instr. du 15 février 2010 relative à la nouvelle version du standard d’échanges de données pour l’archivage.
[14] V. sur ce point le § 3-2 de la circulaire du 15 novembre 2011.
[15] La circulaire du 15 novembre 2011 présente, in fine, en exemple les réalisations de la préfecture des Ardennes.